Il y a quelques années, nous subissions l’affreuse inquiétude du dimanche soir. L’angoisse du temps libre qui s’achève, et de l’embrouillamini qui menace, c’est terrible.
Ça me rappelait l’époque des stages de déconditionnement en moyenne montagne, et la difficulté du retour.
C’est l’une des raisons de la résistance des psychologues officiels, qui ne sont qu'une sorte de larbins et de la société en général aux techniques ou aux substances déconditionnantes : une fois délivré de sa camisole sociale, de ses carcans, de ses béquilles, l’homme souple et rieur n’est plus utilisable et devient même une menace pour le reste du troupeau.
Le dimanche vers 17 heures, s’installait une souffrance âcre et insidieuse. Il faudrait bientôt quitter le paradis du farniente (péché mortel), du plaisir, de la discussion échevelée, légère et profonde à la fois, pour les banlieues de l’enfer. Là grouillent des êtres excités et remuants, gesticulant pour ne rien faire ou presque, ressassant leurs obsessions : plus vite, plus vite, moins cher, plus cher, gagner, gagner, raclant la surface des choses de leurs griffes sans jamais voir qu’ils sont restés dehors. Se croyant dedans, in.
Qui est in est out chantait Gainsbourg, pas dupe.
Le dimanche soir, il fallait fermer la porte du havre chaud, pour cinq longues journées à passer parmi les fous.
Peu à peu, les choses ont changé. Peut-être que le monde extérieur a changé parce que nous avons changé. Peut-être est-ce un bénéfice de l’âge ?
Maintenant, si nous n’y allons pas franchement avec enthousiasme, nous y allons plus détendus. On sait que les fauves, c'est nous. Que la peur engendre la peur, la violence la violence. Et ce petit bout de calme que nous introduisons dans la marmite nous accompagne et forme une sorte de cocon. Être tranquille dans le mouvement apaise le mouvement, le lisse, en rend le contact plus facile, aide à la transformation même du mouvement.
Notre imperceptible changement intérieur change le monde.