Vu ce matin un jeune peuplier sauvage, seul arbre dans une immense plaine de culture, en train de mourir. Son seul tort : pousser dans le ruisseau où se déversent engrais, désherbants, traitements. La terre, notre chair, la mer, les sources, les rivières, notre coeur, nos veines, nos artères, l'air, notre psychisme, tout meurt. Rongé par le feu aveugle de l'avidité.
Cette réalité est maya. Nous projetons à l'extérieur le cancer qui vit en nous. C'est notre être qui est malade. Le spectacle de la mer dévastée dans le golfe du Mexique, sans que cela fasse plus de bruit qu'un pet, c'est un film d'épouvante. Les derniers arbres qui agonisent dans l'indifférence générale, ces animaux et ces millions ou milliards d'humains abandonnés et torturés par toutes les misères, au vu de tous, c'est notre âme projetée devant nous, dans sa nudité absolue, qui nous accuse : nous n'avons aucun amour.
Nos coeurs sont secs comme cette plaine où ne poussent que des monocultures abreuvées de pétrole sous toutes ses formes. Notre âme profonde est pleine d'un épais nuage de boue qui la stérilise complètement, car nous avons renoncé à nous confier en la profondeur.
Nous nous sommes tous assurés contre tout, c'est même devenu OBLIGATOIRE, parce que nous n'avons plus la moindre confiance. Plus de foi, plus de confiance, plus d'amour, plus de feu, plus de lumière.
Si par un miracle invraisemblable, l'amour nous est rendu, si nous traversons ce mirage, alors tout reverdira, la mer sera lavée, mais pas avant.
Tout ce que nous échafauderons sur le sable croulera, comme aujourd'hui: tout croule, tout s'effondre. Les assurances n'assureront plus. Car tout est bâti sur le manque, la peur, le mensonge.
Le seul chemin, le seul, l'ultime, c'est d'ouvrir nos coeurs. Rien de plus, rien de moins. Un coeur, c'est un atome. Un atome, c'est une étoile.