Dimanche 16 juillet. J'attends le retour de ma mie partie chinoiser en lisant sous la véranda. Allongé sur un canapé, je fais face à l'Ouest. Lorsqu'à une certaine heure le soleil m'aveugle, je change de sens. Un vrai tournesol, une héliotrope, vous dis-je.
Ce que je lis ? Un livre de Jean Prieur recommandé par Bouddhanar : "Les visiteurs de l'autre monde".
Un peu vieillot, un peu "vieille France", ce livre romancé expose les conclusions motivées de Jean Prieur, grand spécialiste des "messages de l'au-delà".
Pour me délasser et me secouer un peu, je rejoins l'ordi en veille. A mon texte "Se défiler", Chantalouette a mis un commentaire sur l'irréductible village des Pions, dont un lien qui mène à un extrait d'un livre de l'écrivain auvergnat Jean Anglade.
J'évite d'ordinaire les écrivains régionaux qui me bassinent un peu avec leurs histoires familiales ou villageoises. Mais je suis très agréablement surpris par l'humour de ces phrases, en dehors même de celui de l'histoire racontée. Anglade est un narrateur achevé : pour décrire en deux mots l'approximation culturelle de l'homme instruit de la communauté, le seul qui soit capable de déchiffrer peu ou prou l'écriture officielle, et pour dire qu'il sait un peu de latin, il emploie l'expression saecula saeculum.
Bien sûr, les latinistes et les anciens enfants de choeur le savent bien, cette expression tirée de la liturgie catholique est erronée; on doit dire (in) saecula saeculorum.
Généralement traduite par (dans) les siècles des siècles, ce qui ne veut rien dire, elle signifie exactement : dans les cycles de cycles, comme on dirait des milliards de milliards (et non des milliards des milliards). On voit que les notions maintenant galvaudées de l'emboitement des calendriers bien connues des Mayas l'étaient chez nous aussi, ainsi que le rapport entre microcosme et macrocosme.
Bref, notre savant linguiste avait oublié l'or en chemin. Or est ce qui manque à saeculum pour former saeculorum.
Un peu plus tard, je replonge dans Prieur. Soudain, page 133, je tombe sur cette expression : ..." je ne me vois pas habillée in saecula saeculorum...".
Quelle surprise ! J'ai vérifié plus tard, il n'y a que deux expressions latines dans le livre, a claritate claritatem, et celle-ci, que je n'ai certes pas entendue ni lue depuis de longues années.
La convergence est remarquable.
Mais à cet instant précis où je retrouve l'or manquant, le soleil souvent voilé de nuages, qui bascule continûment vers l'Ouest franchit alors la ligne fatidique de la baie vitrée et la barrière nuageuse et me ferme les yeux, m'aveuglant d'un coup. M'éblouit de son or, aor, la lumière. L'or qui manquait au paysan d'Anglade surgit, éblouissant, crevant l'écran au même moment, dans un livre et dans la nature.
Quelle incroyable convergence ! J'en ris encore.
Pierre Faure me faisait remarquer il y a quelques jours que ce qui distingue une coïncidence d'une synchronicité, c'est la conscience qui lui donne du sens.
Cette synchronicité-là est majeure. J'en vis souvent, et celle-là est balèze. Chapeau l'Artiste.
Je plains les esprits secs qui n'ont pas pris la mesure de l'Intelligence facétieuse et bienveillante qui nous entoure et ne demande qu'une seule chose : que nous ouvrions les yeux et la reconnaissions.
Pourtant, elle n'a de cesse de multiplier ses provocations : au courrier du vendredi 13 juillet, j'avais une seule lettre, une facture d'eau, d'un montant de 111.56 € (la somme de 5+6 donnant 11, ça donne une séquence de 11111), et le premier numéro d 'Abraxas (merci à toi, Helios), dans lequel figure un article de Joel LaBruyère qui rappelle que la somme des lettres Aleph, Lamed et Phé de l'Aleph développé (en plénitude) donne 1 + 30 + 80 = 111.
Je ne vois vraiment pas comment on peut s'ennuyer sur cette Terre.