Qu'ils sont beaux, qu'ils sont élégants, les nouveaux esclaves. Monsieur, la crinière léonine et la barbe savamment pas faite, montre par son costume trois pièces et sa cravate fluo qu'il n'est pas un clochard, mais un nomade de luxe. Il l'écoute, elle toise le monde, prête à en prendre vigoureusement la part qui lui revient. Son grand sac de marque est là pour engouffrer avec l'appétit que lui permet son crédit les marchandises faites pour elle, afin qu'elle continue à plaire, à lui, à son image d'elle-même, ou à d'autres.
Attention, ce n'est pas une poule de luxe. Non, c'est une femme active, qualifiée, diplômée, consciente de son charme, c'est elle le moteur. Une femme libre, au sens moderne. Lui est un poil en arrière.
Si elle affiche son yang, lui montre par son léger retrait qu'il est capable de l'écouter.
Un beau couple moderne proposé à nos antiques frustrations, qui remontent à l'expulsion d'Eden. Minces, sportifs, ils ont de l'argent et des loisirs, même si on voit parfois monsieur cavaler pour pointer comme l'esclave terrorisé qu'il est au fond, pitoyable valet aux pantalons en tire-bouchons.
Cours, le maître attend.
Ces images viennent d'une pub internet pour Smartphone, dont j'ignore tout, sauf que c'est un moyen supplémentaire de se lier au réseau que j'ai choisi d'appeler "la Pieuvre", car je crois que c'est sa nature exacte.
Pour faire sa moisson, elle emploie la force, les camps, les guerres, la faim, la menace - vaccine tes enfants ou je sucre tes allocs -, et la cajolerie, comme ici.
Elle a quelque chose à vendre, et ce n'est pas un nouveau téléphone plus mieux bien, non. C'est une autre couche de glu, pour t'enserrer un peu plus, entrer, s'immiscer plus profond, comme un mauvais opium.
Ici, pas à hésiter, c'est la liberté et l'indépendance qu'elle vante. Le contraire de ce qu'elle fourgue réellement, la possession. De la très mauvaise dope sous un bel emballage.
Car, qui sont ces gens (des acteurs, bien sûr), que représentent-ils ?
Des rouages du Système, qui les récompense à la hauteur de leur soumission, de leur participation plus ou moins consciente, de leur vénération pour ses misérables charmes. Qui les jettera et les laissera crever dans le caniveau dès qu'ils déplairont ou voudront reculer.
A ce moment là, qu'importent les splendides machines dont ils seront équipés, car alors, ils seront seuls, désespérément, face à ce qu'ils auraient pu réellement, royalement, Être.
Ce n'est pas des smartphones ou autres moyens de téléguidage qu'il nous faut, à moins de choisir la voie de l'esclavage.
Ce n'est pas de ces liens là, que je veux, mais du Seul et Unique qui vaille, celui de l'Être Véritable, qui est en chacun de nous, et dont ceux-ci n'ont qu'un but : nous éloigner.