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8 novembre 2010 1 08 /11 /novembre /2010 13:30

 10-sept-2010-005.jpg

 

Jour de formation. La société qui a besoin d’évoluer dans sa forme convoque régulièrement les parties de ses composantes sur lesquelles elle compte pour se conserver toujours la même, au fond, particules humaines qu’elle rémunère pour lui vouer respect et considération, la prendre au sérieux.  

 

Je ne parle pas ici d’une profession, mais d’une fonction. Oui, indépendamment de son métier, votre serviteur figure sur certaines listes de personnes reconnues par la Pieuvre pour leur moralité (ouaf), leur dévouement à la cause commune (hum), leur absence présumée de passions (...) qui les rend théoriquement aptes à servir son développement harmonieux. Une fonction esthétique, en quelque sorte. 

 

Je vous prie d’excuser ces phrases alambiquées, mais il me semble important de dire que je ne vis pas sur un nuage ni sur un zafu, mais que j’ai une vie sociale.

 

Ayant un penchant prononcé pour la solitude, au point que j’aurais pu être – qu’une partie de moi est – un ermite, un autre moi effectue des tâches à la fois distinguées et triviales parmi  des gens plus ou moins distingués ou triviaux, et qu’un autre - parmi d'autres - boit, danse et raconte des blagues.

 

Bref, ce jour là, j’étais en formation, parmi cent ou cent cinquante autres individus. Je hais les foules, et quelques visages connus et acceptés m’ont aidé à surmonter l’épreuve, mais malgré ma répulsion, je trouve intéressant de participer à la vie de la bête humaine, dans son souci de régulation.

 

Je me trouve encore une fois parmi des gens impliqués. Bonne définition, dit Mme VJ à qui je raconte ça. Ils sont impliqués. De ce monde, passionnément. Moi, je plane, j’entends, je comprends, et je perçois bien cette nécessité qu’a la société humaine de se donner des règles et de chercher à les perfectionner, moyennant quoi elle se perfectionne aussi, j’ai l’esprit vif et je pose des questions pertinentes, mais en fait je m’en fous. Je suis l’un des seuls. Tous les autres ou presque sont impliqués.

 

Déjà, à l’arrivée, vers 9 heures, tous se goinfrent de gâteaux, cakes, café, jus d’orange, comme s’ils avaient vraiment faim, et tous cherchent à qui s’agglomérer pour faire du bruit. Moi aussi, je m’agglutine aux deux ou trois que je supporte, parmi les moins gluants, et je regarde ou plutôt j'évite de regarder les autres s’empiffrer.

 

J’ai toujours fait au mieux tout ce que j’ai fait. Vacataire Manpower ou vendangeur à la saison, tous mes employeurs m’ont redemandé, parce que je faisais de mon mieux. Mais je ne suis jamais retourné deux fois au même endroit.  

  

Donc, quoi que je fasse, c’est toujours de mon mieux. Sinon, mieux vaut ne rien faire.

 

Je me repose, je bois, je me balade, j’aime, je dors de mon mieux. C’est pourquoi je ressens de la compassion pour les gens qui vont bosser à reculons, qui vous servent en faisant la gueule.

 

Mais ce jour là, rien de tel : nous étions dans un ancien château d’Auvergne, du Directoire, devenu un centre d’insertion pour handicapés, qui offre de grands salons, une salle de conférence – où nous fûmes formatés – et un personnel abondant, mais un tantinet hors normes.

 

Dès le parking, c’était drôle de voir des garçons de trente ou quarante ans faire de grands moulinets des bras pour faire circuler les rutilantes voitures des beaux messieurs, comme on leur a dit de faire : toi, tu te mets là, et t’envoies les voitures par là. Sans eux, on serait quand même arrivés au parking, avec les panneaux, mais qu’est-ce qu’ils s’éclatent, quelle importance ils ont, soudain, je fais des grands gestes des bras, et tout le monde obéit, c’est magique. Tellement que j’en rigole jusqu’aux oreilles. Quelle belle journée, toutes ces voitures qui s’empilent là où je leur dis.

 

Les gens sourient, moi aussi, tant ces jeunes gens trouvent du bonheur à accomplir ces tâches gratifiantes. Et puis tout le monde s’en va au formatage, après les cakes.

 

Plus tard, au restaurant, un autre personnel abondant. On se croirait au "grand siècle", tant ils sont nombreux. Il y a de belles boiseries en noyer clair, et en les regardant, je me prends les pieds dans un tapis. « Oh, le monsieur, il a failli tomber ! ».

 

A table, un nuage de serveurs et serveuses apporte bouteilles, pain, et assiettes, tous attentifs à ne pas commettre une bourde. Tous anxieux, et pleins d’un bonheur incroyable, d'un désir d'être utiles, de plaire, d'être aimés.

 

Dans cette assemblée de crocodiles pleins d’eux-mêmes, soudain, je ne vois plus que ces femmes et ces hommes différents, qui font sourire ou énervent – l’un d’eux a échappé une cuillère sur la veste d’un convive – et mes yeux se mouillent.

 

Je regarde leurs visages non pareils, leurs yeux pleins d’un espoir de gamins, leurs corps plus ou moins tordu ou tendu, leur intention, surtout, de bien faire et de plaire, et chaque fois que l’un d’eux retire ou pose quoi que ce soit sous mon nez, je le remercie : merci, Madame, merci, Monsieur. Bien sûr, c’est drôle aussi, ils retirent une bouteille de vin blanc pas encore vide, pour en mettre une pleine, quand il faudrait pour respecter les usages, servir du rouge. Et ils remettent une corbeille de pain quand on passe au dessert.

 

Mais leur désir et leur dignité, leur peur de mal faire et leur joie sont immenses. 

 

Et quand je regarde ces autres gens, les convives, qui échangent de grosses plaisanteries ou font assaut de servilité ou de bonnes affaires, je sais instantanément où va mon cœur.

 

Pourquoi suis-je venu ici ? Dans la voiture, je croyais encore que c’était pour avoir le quota nécessaire de formatage. Mais non. Pas du tout.

 

J’étais là pour voir de vrais hommes et de vraies femmes de désir, qui ne vivent pas à reculons, et ne font pas la gueule, et ne se croient pas importants. Ce qu'ils demandent ? Qu'on les voie, qu'on les accepte, qu'on les aime.

 

En rentrant, je me suis souvenu que j’ai eu un oncle, mort à neuf ans, macrocéphale. C’était un secret de famille. Et une terreur secrète de ma mère, et d’autres.

 

Pour une raison obscure, ces gens si particuliers, je les aime à les prendre sur mon cœur, et les larmes m’inondent à leur pensée. Pas des larmes de peine, non. De bonheur, oui. 

 

***

 

J'en étais là, et je sentais qu'il y avait une marche à passer, sur laquelle je butais. Qu'est-ce qui rend ces gens si différents, qu'instantanément nous les mettons à part ?

 

Mme VJ m'a donné la clef : ils ne sont pas prisonniers d'un mental qui calcule, échafaude, projette, combine, ment, assassine. Ils ne sont pas suffisants, coupés. Ils sont vraiment vivants parce qu'entièrement dans ce qu'ils accomplissent ou ressentent.

 

Nous nous pensons supérieurs à eux, parce que nous savons fabriquer des médicaments dangereux, des armes et des règles pour asservir et des sociétés écran pour échapper à la règle.

 

Eux sont proches de la source, comme le sont - ce n'est pas péjoratif - les animaux. Ils ne sont pas inférieurs, ils sont autres. Sans vouloir les idéaliser, parce qu'il leur manque quelque chose que nous avons, ils sont beaux et purs.

 

Cependant, ce poison qui nous dévore, le mental, nous pouvons le transmuter. Charles Baudelaire disait que les meilleurs parfums viennent des sécrétions des glandes anales du skunks, de la moufette.

 

Ce qui aujourd'hui nous rend si laids, si grimaçants peut nous mener sur l'autre rive, où nous serons lavés et rendus à notre beauté originelle, augmentée de l'expérience en cours.

 

Peut-être que ces êtres limités, contrefaits, parfois drôles dans leur emphase sont des témoins mis sous nos yeux pour que nous conservions le souvenir de l'origine. Des envoyés, des chargés de mission, des anges.

 

 

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commentaires

N
<br /> Merci, merci, Perle. De rappeler ce film! Je me souviens quand il est sorti! Je ne voulais pas aller le voir! Encore un film sur la différence! Les amis m'y ont entraînée..et là, j'ai été scotchée,<br /> et j'ai acheté le dvd... mouaf!! Quelle leçon! Pas sur la différence, mais sur notre "normalité".<br /> Un autre film ( entre tellement d'autres!) que je ne voulais pas aller voir et qui m'a décoiffée: "Mar Adentro",", qui traite de l'essence même de la vie, de ce qui nous fait vivants, alors que je<br /> croyais bêtement que ça parlait d'euthanasie, donc de mort, au premier abord.<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> Bonsoir,<br /> <br /> <br /> Merci Jade,très joliment écrit,avec humour en plus.Ce qui n'empêche pas le sérieux du texte,bien sûr!<br /> <br /> Ces enfants,ces beaux grands enfants,ce sont eux qui ont les clefs.J'en suis certaine.<br /> <br /> <br /> Bisous,Léa.<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> C'est un monde que j'ai découvert à cette occasion.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Merci pour ce moment Vieux Jade! Je me marre!!! C'est vraiment super de voir (ou de revoir) le monde à travers vos yeux!<br /> Travaillant quotidiennement en face à face avec ces enfants "autres", je me demande parfois de quel côté de la barrière je suis. Mais pas grave, les deux côtés ont leurs bons côtés. Parfois près<br /> d'eux je me sens réellement vivante, alors que certains de mes collèguent me plombent, mais ça ce n'est que des projections personnelles, je sais bien, à ne pas vouloir (ou pouvoir, ça dépend des<br /> moments)prendre les choses comme elles sont tout simplement.<br /> <br /> Merci pour votre fraîcheur! Ha! On respire!!!!<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Ne pas vouloir, c'est pas non plus se laisser mener par le bout du nez, selon une vieille expression...<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Tu mérites bien qu'un ange passe furtivement dans ta vie... Vive Georges ! Vive la Mongolie :)<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Ils n'arrêtent pas de se croiser!<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Le 8ème jour, Dieu a fait Georges.<br /> http://www.dailymotion.com/video/x897bw_le-8eme-jour-1_shortfilms<br /> <br /> <br />
Répondre
V
<br /> <br /> Merci de me faire connaître ça; je n'ai pas la télé et ne vais jamais au ciné; mes références datent de 20 ans minimum, sauf les DVD que me passent de temps à autre mes filles. Là, je découvre qq<br /> chose de super. Merci encore.<br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Le jardin de Vieux Jade
  • : Arrivages du jour, légumes secs, mauvaises herbes, quelques trucs qui arrachent la gueule. Taupes, censeurs et culs bénits s'abstenir. Si vous cherchez des certitudes, c'est pas l'endroit.
  • Contact

Décidément rétif à l'ordre bestial, j'ai fixé ma résidence ailleurs, d'où j'observe le déroulement des temps infernaux, fumier des plus belles fleurs.  J'ai un jardin secret, où les plantes poussent toutes seules. Servez-vous, si le coeur vous en dit, sans tenir compte de la chronologie, car comme le mot le dit clairement, l'heure est un leurre.

 

Une précision concernant les commentaires : n'ayant pas toujours le temps ni l'énergie de répondre aux commentaires, ceux-ci restent ouverts, sans aucune garantie que j'y réponde. Je me réserve cependant le droit de sabrer les inconvenances, dont je reste seul juge.

 

Ici, je n'est pas un autre.

Recherche

Lave

Après l’explosion

Nul ne l’a sue

Le jour d’après

Coule la lave

Brûlent les cendres

Lave la lave

Mange la louve

Larmes sans sel

De régime

Cuit et recuit 

Frottent les cendres

Récurent

 

Pas encore nu,

Pas tout à fait ?

Restent des choses

Bien accrochées

Des salissures

De vieux fantômes

D’anciennes guerres

 

Qui peut le faire, si ce n'est toi ? 

 

Nettoie

 

Les notes glissent

Comme des larmes

Gouttes de feu

Sur la paroi

 

Qui m’a volé le cœur ?

Qui m’a trempé vivant,

Comme une lame ?

Qui m’a fouetté les yeux,

M’a déchiré le ventre

Me baisant les paupières

Et m’enduisant de baume,

Me prenant par la main,

Pour me conduire

Dehors ?

Les dits de Lao Yu

LE BUT DE LA QUÊTE EST DE N'AVOIR

NI BUT, NI QUÊTE

 

***

 

QUE SAIT-IL DE LA PESANTEUR,

CELUI QUI N'EST JAMAIS TOMBÉ ?

 

***

 

C'EST SOUVENT LORSQU'ELLE S'ENFUIT QU'ON PERÇOIT L'ESSENCE DE LA BEAUTÉ

 

***

 

LA MER A DES MILLIARDS DE VAGUES QUI BATTENT TOUS LES RIVAGES. OU EST LE CENTRE DE LA MER ?

 

***

 

CE QUI EST MORT N'A AUCUN POUVOIR SUR CE QUI EST VIVANT

SEULS LES MORTS CRAIGNENT LES MORTS

 

***

 

QUAND LE NID BRÛLE, LES OISEAUX S’ENVOLENT

 

***

 

C’EST DANS LA CHUTE QUE LES AILES POUSSENT

 

***

 

CE QUI PEUT ÊTRE PERDU EST SANS VALEUR

 

***

 

LA MAISON EST PLUS GRANDE QUE LA PORTE

 

***

 

L’ERREUR EST LA VOIE

 

***

 

LA ROUTE EST DURE A CELUI QUI BOÎTE

 

***

 

LA LUMIERE DE L’ETOILE EST DANS L’ŒIL QUI LA REGARDE

 

***

 

LES PETITS NOURRISSENT LES GRANDS

 

***

 

LES RICHES ONT UNE BOUCHE
MAIS PAS DE MAINS POUR LA REMPLIR

C’EST POURQUOI IL LEUR FAUT
DE NOMBREUX SERVITEURS ;


CEUX QUI ONT DE NOMBREUX SERVITEURS
NE SAURAIENT VIVRE SEULS,

CE SONT DONC DES PAUVRES ;


CELUI QUI PEUT VIVRE SANS SERVITEURS 
EST DONC LE VERITABLE RICHE.

 

***

 

VIVRE C’EST REVENIR SUR SES PAS

 

***

 

LA NUIT LAVE LE LINGE DU SOLEIL

 

***

 

LES RUISSEAUX EMPORTENT LES MONTAGNES

 

***

 

UNE EPINE DANS LE PIED DU GENERAL : L’ARMEE S’ARRÊTE


***
 


UN PORC EN HABITS DE SOIE RESTE UN PORC,
COMME UN DIAMANT DANS LE FUMIER

RESTE UN DIAMANT.

MAIS LA PLACE D’ UN DIAMANT

EST DANS UN ECRIN DE SOIE,

ET CELLE D’UN PORC DANS LE FUMIER.

 

***

 

COMME SEULE L’EAU ETANCHE LA SOIF,
SEULE LA JUSTICE COMBLE LA FAIM DE JUSTICE

 

***

 

DU COLIBRI A L’AIGLE, IL EXISTE DE NOMBREUX OISEAUX

 

***

 

LE DEDANS REGLE LE DEHORS

 

***

 

L’EPONGE BOIT LE VIN RENVERSÉ
ET LA ROSÉE DU MATIN

 

 

***  

 

LORSQU'IL DECOUVRE LE MIEL,

L'OURS OUBLIE LA PIQÛRE DES ABEILLES

 

 

 

 

 

 

 

 

Lisez-Moi Lisez Moi Lisez Moi

Des mots des mots des mots des

Quand à un livre je me livre , ce que je lis me délie.

 

 

Je me demande pourquoi on n'a pas encore une loi qui oblige à faire bouillir les bébés à la naissance, afin qu'ils soient parfaitement stérilisés.

 

Circuler, pour mieux s'ôter.

Toute notre vie, on attend une grande cause pour se lever, et on passe sa vie accroupi, à croupir.

Le lucane aime prendre l'R le soir à sa lucarne.

Ce qu’il y a de bien dans l’état de siège, c’est qu’on prend le temps de s’asseoir.

 

 

Les oiseaux sont les poissons du ciel,

nous en sommes les crabes


Heureux les déjantés, ils quitteront plus facilement la route commune!

 
L’argent n’a pas d’odeur, mais il y contribue.


Un vrai sosie, c’est invraisemblable.

   

Quand je grossis, je m’aigris ; et quand je m’aigris, je grossis.

   

Le temps, c’est de l’urgent.

   

Joindre l’utile au désagréable : se faire renverser par une ambulance.  

 

Le journal du paradis, c’est le Daily Cieux.

   

Yfaut et Yaka sont dans un bateau ; Yfaut tombe à l’eau, Yaka l’repêcher.

 

Chaque matin, s’ils ne sont pas morts, les vieux vont aux nouvelles.

 

Le poète a latitude d’explorer toutes les longitudes.

   

Etre réduit à la portion congrue, c’est fort peu. Moins, c’est incongru.

 

Peut-on dire de quelqu’un
dont la vie dépend des autres pour tout qu’il
est riche ?
La bouche est elle riche ?

Peut-on dire de quelqu’un
qui n’a rien à attendre des autres qu’il est pauvre ?
Les mains sont elles pauvres ?

 

Curieux comme mystique s’oppose à mastoc.

 

On a mis bien des ouvrages majeurs à l’index.

 

Quand le brouillard tombe, on voudrait qu’il se casse.

 

Au matin, la nuit tombe de sommeil.