Ca y est. On a donné l’un de nos deux petits chiens. Comme on voulait être sûrs que tout se passe bien, on a attendu trois semaines avant de faire le transfert des papiers (Zavez vos papiers ? Wouf). Même les chiens ont leurs papiers, maintenant.
Je remets donc les documents en question à la demoiselle, sans y jeter le moindre coup d’œil.
Elle me rappelle le soir : vous n’avez pas signé. Je passe vous voir. OK ma poulette.
Elle revient, et je vois qu’elle a mis un coup de blanco, un gros pâté. Elle avait commencé par signer, puis, le scrupule (c’est un petit caillou qu’on a dans la chaussure) venant, téléphoné au service machintruc qui s’occupe de ce fatras, et là, ma pov’dame, vous n’y songez pas, c’est au précédent propriétaire (propriétaire, moi ? de quoi, du chien ? non je ne suis pas le moins du monde propriétaire de quoi que ce soit, même si toute une foule de papiers dit l’inverse, je laisse tout dès que les anges me sonnent, même ma collection de cailloux, si, même) mais admettons que pour tout un tas de mauvaises raisons on me considère comme le propriétaire du chien. Aboule ton papier, dis-je de cette voix de velours qui me caractérise.
Je te lui colle ma signature number seven spéciale grandes occasions, qui est une simple barre diagonale avec une boucle toute simple en haut. La mignonne manque défaillir : c’est ça vot’signature ? Ben oui, pourquoi ?
Précisons que la number seven spéciales GO, c’est la même que les autres. Autrefois les analphabètes qui souvent étaient moins bêtes que les fats qui croyaient ne pas l’être (j’ai résisté à la tentation d’écrire les anals fats bêtes qui croyaient ne pas lettre, mais ça fait un peu beaucoup de mauvais voire très mauvais jeux de mots pour une seule semaine) faisaient une croix, moi je fais une barre diagonale avec une boucle.
C’est vrai que j’ai toujours ressenti une sorte d’amusement à voir notaires zet avocats zet autres grands petits ou moyens personnages vous recouvrir le tiers d’une page de splendides circonvolutions qui demandent une demi plombe d’exécution (on comprend que sur les pages précédentes ils se contentent d’un paraphe). Cémoiki. Sonnez zaubois résonnez trompettes, con se le dise.
Moi en babygros, j'ai le stylo qui pend sur le côté, prêt à signer. Voulez un notograf ?
Attention, je sais faire que les diagonales avec une boucle. C'est joli quand même.
La pauvre demoiselle qui s’attendait à ce que je conchie de même le triste formulaire en était pour son argent. Ca ne valait pas le blanco ni le prix du déplacement. Elle eût su ça qu’elle ne fût pas venue, la pauvrette. Un trait avec une boucle !
Elle t’eût expédié la paperasse sans alerter l’administration, faisant honteusement un faux, écrasée sous le poids d'un tel crime. C'est qu'on vous a sérieusement enseigné la valeur d'un contrat écrit. Je précise parce que la parole ne vaut rien. Mais rien. N'importe quel gribouillis d'escroc oui, mais la parole c'est rien, et ça paraît normal, puisque tout le monde ment et que tout le monde le sait (enfin, tout le monde sait que tout le monde ment, sauf moi. Moi j'ai pas menti, j'ai qu'une parole mais c'est eux qui n'ont pas compris ce que je voulais dire. Salauds de sourds. Et c'est pareil pour tout le monde).
Enfin, l’important c’est que le petit chien aille bien, et nous pensons que c’est le cas.
Mais mon cher Vieux Jade, vois-tu, sans l’avoir voulu, tu as encore installé une lézarde, une fissure dans cette cervelle juvénile. Je suis sûr qu’elle va devenir attentive à ça maintenant, ne serait-ce que pour en rire. Pour fendre la pierre : un petit coin, et l’eau de la pluie. Le bois gonfle, et …le vieux monde éclate.
De rire ?