Salvador Dali
Tout ce qui est créé a une limite. On considère généralement que physiquement cette limite est la surface extérieure perçue par les sens : toucher, vue pour les objets solides, ouie, goût, odorat pour les fluides.
Quelle est la limite du chocolat ? En tant que tablette, c’est ce qu’on voit. Ce qu’on touche aussi. Quoique le chocolat fonde et poisse les doigts. La limite solide du chocolat n’est pas si définie, après tout.
Le chocolat excite mes narines. Lorsque je m’éloigne suffisamment de la casserole de chocolat fondu, son parfum disparaît. Nouvelle limite. Tiens, le vent le ramène. Difficile à
circonscrire.
La limite du goût, elle est double : après avoir croqué un carré, c’est l’instant où je ne perçois plus rien. Mais c’est aussi, alors que comme Dali je suis fou d’un certain chocolat, je finis à force d’en manger par m’en dégoûter complètement. J’ai touché la limite.
Ce qui s’applique aux objets s’étend aux êtres animés, plantes, animaux, paysages, lieux, humains.
Mais les limites qui nous apparaissent sont-elles réellement celles de l’autre, ou les nôtres propres ?
Je t’aime, je ne vois pas de limites à mon amour, je ne te vois pas entièrement, tu me sembles immense, surprenant, incomparable. Plus tard, je ne vois qu’un petit être gris, prévisible, racorni. Que s’est-il passé ?
Y a-t-il vraiment des limites entre nous tous, ou bien est-ce seulement notre hémisphère gauche qui fractionne et compartimente : toi, lui, moi ?
Bon, pas bon, danger, manger.
La limite se situe entre l’idéalisation et l’objectivation.
C’est la raison pour laquelle le monde des rêveurs est beaucoup plus grand que celui des bâtisseurs, mais beaucoup plus évanescent.
La quête des limites est l’un des visages, des aspects de la Quête que chacun doit mener pour accéder à la Connaissance.
Comme l’horizon, la limite de cette Connaissance recule toujours. Et même dans un monde limité comme le nôtre, plus on monte, et plus le regard englobe de surface, et plus la sensation des limites s’évanouit.
Plus on monte, et plus la conscience quitte le particulier, aux limites si étroites, pour l’Unique qu’aucun mur n’enserre.
A ce moment-là, on est entré à l'intérieur du monde.