Merde, c'est le printemps.
Ça glougloute dans les tuyauteries, et ça c'est le printemps de la bête humaine, le chat ne rentre plus, ou tout balafré, les oiseaux pépient, et bientôt la croûte de la terre va se soulever sous la pression des milliards de trilliards de pousses qui n'en peuvent plus d'attendre le premier rendez-vous.
Et les hommes ?
Ils vont voter. En France. Voter, c'est comme vomir ou chier. C'est pas une victoire, c'est un mécanisme. Parce que choisir entre deux étrons quand on a faim de lumière, c'est un peu débectant. Mais c'est un progrès de la démocratie, dit-on. Le pépé était bien content d'aller voter. Alors on y va aussi. On l'aimait bien, le pépé. Il avait fait la guerre de quatorze. Alors nous aussi, un petit peu.
Faut aller voter, c'est un devoir civique. Citoyen.
Citoyen mon cul. Je ne suis pas un citoyen, et j'emmerde jusqu'au tréfonds les citoyens repus d'être juste ça.
Je suis un Homme. Permettez ? J'ai mis la majuscule. Elle sent un peu la naphtaline, depuis le temps que je la sortais plus du placard. A moi aussi, on m'a fait croire, en me gueulant après, en mettant au pas, que j'étais tout petit, rien, une pièce dans la machine. Mais non.
Je suis une créature de Dieu, une émanation, pas un citoyen de je ne sais quelle citoyenneté de je ne sais quelle province de je ne sais quel conglomérat de banques. Je ne suis pas un gibier. Pas un numéro. Pas M. Untel.
Tout est faux. Tout est inculqué.
Cette après-midi (cet ou cette se dit ou se disent), roulant en voiture et dans ma tête (figure de style appelée zeugma) les affaires du jour et les rendez-vous à prendre, sur cette route en lacets où, au mépris de la loi, je roulais athlétiquement et jouissant vraiment du moment présent par le vecteur de sainte Adrénaline à plus de 100 de moyenne, soudain j'ai connu cette extase, cette extase printanière qui n'est peut-être plus du strict domaine de la bête humaine :
" Dieu, Seigneur, Toi, Moi, Nous, Qu'importe Ton Nom, j'ai bientôt 58 ans. Donne moi aujourd'hui, à partir d'aujourd'hui, si je dois encore demeurer quelque temps ici, de Te rendre hommage pour toute la beauté de ce monde, car l'Homme (majuscule) n'est là que pour cela (je le sentais en effusion conjointes de mes tripes, de mon coeur et de ma tête) : rendre hommage à la beauté magnifique de l'existence et du monde terrestre. Vivre en ce monde cette existence est une véritable aubaine, un incroyable cadeau, un don, le don de Dieu. Certes, les cloportes qui emmerdent tout sont un obstacle, mais rien ne peut rompre le lien d'hommage que je veux Te rendre, Dieu puissant et profond d'amour, d'extase et de beauté : je T'aime."
Sans déc, c'est la première fois que je dis à Dieu un truc pareil : Je T'aime. C'est venu comme ça. Chais pas ce qu'Il va en penser ?
J'espère qu'Il est pas trop timide ?
Promis, je vous dirai la suite.