Honoré Daumier, 1856.
Les mots s’envolent, les écrits restent, dit un proverbe.
Pourtant, ce qui est dit est réellement dit. L’univers n’est pas une poubelle sans fond. Chacun de nos actes, chacune de nos pensées et de nos paroles a un poids.
Vivant dans le monde du mensonge, dont le prince est appelé Père du mensonge, les êtres humains croient pouvoir impunément mentir.
Jusqu’au jour où ils prennent conscience de l’énorme fardeau qu’ils traînent avec eux, qu’ils en vacillent.
La quête de la vérité passe nécessairement par le rappel, la découverte et nettoyage de nos mensonges. Les bêtes féroces qui assaillent le chercheur sont des aspects de son énergie dévoyée, égocentrée, mais l’hydre qui l’accompagne comme son ombre est l’implacable volonté qu’il met à travestir l’insupportable réalité : nous sommes nus. Et c’est nus que nous sortirons du cachot. Nus et purifiés par l’insupportable aveu que nous n’avons plus aucun voile, plus aucune ombre où disparaître.
Sur les foires d’autrefois, les paysans et les marchands de bestiaux échangeaient de grandes tapes dans les mains, devant une galerie de compères : Tope !
Une fois topé en public, le marché était conclu. C’était un contrat verbal. Celui qui y contrevenait passait dorénavant pour faux et menteur, malhonnête.
C’était une manière de garantie basée sur la connaissance intime commune à tous : nous sommes tous menteurs.
A telle enseigne que les hommes de loi depuis l’aube des temps s’emploient à rédiger de très concis contrats censés garantir le respect des intentions des contractants.
Mais, bizarrement, soit les grands juristes sont maladroits, soit les gens de mauvaise foi ont d’encore meilleurs juristes, car il ne passe pas une journée sans que les contrats de la veille soit dénoncés à grands cris par ceux qui se sont hier empressés de les signer.
Une foule de personnes ne respectent même plus l’écrit.
C’est encore un signe, une preuve que ce monde est déjà mort. On peut trafiquer n’importe quelle image, n’importe quelle bande son, n’importe quoi, en fait, pourquoi pas l’ADN, pour faire passer n’importe quel mensonge.
Face au mensonge, on n’a qu’une alternative : s’en dépouiller jusqu’à la moelle des os.