La langue anglaise a une supériorité sur la nôtre, I am.
Nous, français, disons : je marche, j’attends, je mange. L’anglais dit : je suis marchant, attendant, mangeant.
Je suis, image tremblotante de Je Suis. C’est immuable. Le reste est une péripétie.
Je n’écris pas ce texte en écoutant de la musique, tout en remarquant que mes mains sentent le chien. Non.
Je Suis. Écrivant. Je Suis. Écoutant. Je Suis. Sentant.
Encore une discussion de la nuit. La suite, en gros, c’était : lorsque Je suis, pas besoin de savoir ou de pouvoir. Le savant, le mage, le sorcier dont le regard volontaire et rapace a aperçu un bout du réel cherchent à en tirer une application. Des machines à laver, à tuer, à rencontrer les sous esprits du bas astral ou les morts, afin d’obtenir une satisfaction quelconque.
C’est du domaine de l’avoir. A-voir, ne pas voir (d’après Emmanuel Monin).
Être, c’est le contraire absolu. Absolu, ai-je écrit. Tant qu’on garde quoi que ce soit en main, le moindre désir d’avoir : reconnaissance, amour, pouvoir, argent, Être est impossible.
Car Être n’est pas de notre ressort. Être est toujours là, mais les murailles du désir d’avoir nous le cachent.
Quiconque cherche le pouvoir, Être le fuit.
Soudain, Être est là, présent. Je suis, écrivant, lisant, aimant, mangeant, buvant, riant.
Être n’est pas lié, et peut s’évanouir subitement. Être n’est pas à moi. Être n’est pas avoir. Absolument pas. Absolue liberté. Aucune cage, aucun mot pour le retenir ou l’exposer.
Plus je Suis, et plus le monde le ressent, sans qu’aucun pouvoir entre en jeu. En Je.
Aucune mort ne peut atteindre Je Suis. Aucun espoir non plus, puisque Je suis, éternellement.
Je Suis est une flamme qui allume toutes les mèches alentour. Sans savoir, sans pouvoir.
Je Suis n’est pas moi.