Un texte incroyable, qui m'a fait littéralement l'effet d'un boulet de canon. Mettons que c'était ce que j'avais envie, ou besoin, de lire depuis longtemps. Je n'en ai pas la date. Je l'ai trouvé dans une réponse à un commentaire de CET article. Je remercie au passage Antidote de m'avoir fait connaître ce blog. C'est un texte de Nisargadatta, "celui auquel des dispositions innées ont été données".
« II pleut fort, vous êtes tout trempés. Dans mon monde il fait toujours un temps radieux. Il n’y a ni nuit ni jour, ni chaleur ni froid. Là, aucun tracas ni regret ne m’assaille. Mon mental est libéré des pensées car il n’y a pas de désirs pour me rendre esclave.
Y a-t-il deux mondes ?
C’est à vous que votre monde apparaît. Pour moi il n’y a qu’un monde. Vous pouvez me raconter ce que vous voulez de votre
monde, je vous écouterai attentivement, avec intérêt même, cependant à aucun moment je n’oublierai que votre monde n’existe pas, que vous rêvez.
Qu’est-ce qui distingue votre monde du mien ?
Mon monde n’a aucune caractéristique qui permette de l’identifier. On ne peut rien dire à son sujet. Je suis mon monde. Mon
monde est moi-même. Il est complet et parfait. Toute impression est gommée, toute expérience rejetée. Je n’ai besoin de rien, pas même de moi car je ne peux pas me perdre.
Pas même de Dieu ?
Toutes ces opinions et discriminations existent dans votre monde ; dans le mien il n’existe rien de tel. Mon monde est unique
et très simple.
Rien n’y arrive ?
Dans votre monde, tout ce qui arrive a une valeur et appelle une réponse. Dans mon monde rien n’arrive.
Le fait même que vous ressentiez votre monde implique la dualité inhérente à toute
expérience.
Verbalement, oui. Mais vos paroles ne m’atteignent pas. Mon monde est non-verbal. Dans le vôtre ce qui n’est pas dit n’a pas
d’existence. Dans le mien les mots et leur contenu n’ont pas d’existence. Dans le vôtre rien ne demeure, dans le mien rien ne change. Mon monde est réel alors que le vôtre est fait de
rêves.
Cependant nous parlons.
Le discours est dans votre monde. Dans le mien il y a l’éternel silence. Mon silence chante, mon vide est plein, je ne manque
de rien. Vous ne pourrez connaître mon monde tant que vous n’y serez pas.
On dirait que vous seul êtes dans votre monde.
Comment pouvez-vous dire seul ou pas seul quand les mots ne conviennent pas ? Bien sûr, je suis seul puisque je suis
tout.
Vous arrive-t-il de venir dans notre monde ?
Que signifie pour moi venir ou aller ? Ce sont encore des mots. Je suis. D’où puis-je venir, et pour aller où ?
Quelle est pour moi l’utilité de votre monde ?
Vous devriez considérer de plus près votre propre monde, l’examiner de manière critique, et
soudainement, un jour, vous vous trouverez dans le mien. Vous n’y gagnerez rien. Vous laisserez derrière vous ce qui ne vous appartient pas et vous trouverez ce que vous n’avez jamais perdu,
votre être propre.
Qui gouverne votre monde ?
II n’y a ici ni gouvernant ni gouverné. Il n’y a aucune dualité. Vous ne faites là que projeter vos opinions. Ici vos
écritures et vos Dieux n’ont aucun sens.
Vous avez cependant un nom et une forme, vous faites preuve de conscience et d’activité.
J’apparais ainsi dans votre monde. Dans le mien je suis. Rien d’autre. Vous, vous êtes riche de vos idées de possession, de
quantité et de qualité. Je suis entièrement sans idées.
Comment passe-t-on de mon monde au vôtre ?
Voyez votre monde tel qu’il est, non comme vous l’imaginez. La discrimination vous
conduira au détachement ; l’action juste construira le pont qui vous mènera à votre être réel. L’action est une preuve de sérieux.
Etes-vous heureux ?
Dans votre monde je serais des plus misérables. Se lever, manger, parler, dormir à nouveau, quel ennui !
Ainsi, vous ne désirez même pas vivre ?
Vivre, mourir, quels mots sans signification ! Alors que vous me voyez vivre, je suis mort. Quand vous me croyez mort, je suis
vivant. Dans quelle confusion êtes-vous !
A quel point êtes-vous indifférent ? Toutes les misères du monde ne sont-elles rien pour vous
?
Je suis parfaitement conscient de vos ennuis.
Que faites-vous pour eux ?
Je n’ai rien à faire. Ils ne font qu’aller et venir. »