La chanson que j’ai préféré longtemps, dans l’évangile selon saint Georges, c’est elle :
Un voyou ? C’est quoi un voyou ? Non, les braves gens n’aiment pas qu’on suive d’autres routes qu’eux, c’est vrai. Tout ce qui dépasse, c’est voyou.
Dans le magnifique patchwork de la campagne française, chaque morceau est bien à sa place : ici du blé, là de l’orge, ici encore, du maïs, le tout bien propre.
Faut que ça pisse, que diable, à la récolte, pour payer les traites et les charges, nourrir le monde et les marchands de soupe, de pétrole, de paillettes magiques, de tracteurs et de poudre de perlimpinpin. Faut que ça crache.
Au diable les mauvaises herbes. Vas-y que je te brûle au feu chimique tous les indésirables. L’ennemi. Adieu bleuets, chardons, orties, coquelicots. A mort la prêle, à bas la mauve, tuez les toutes, Monsanto reconnaîtra les siennes.
Comme en avait averti Gandhi, nous sommes traités comme nous traitons les animaux, mais aussi comme nous traitons les plantes : ici un champ d’avocats, là une pépinière de commerciaux, un lopin de flics, une bande de ploucs, le tout bien propre, juste nourri de ce qu’il faut pour faire un avocat, un commercial, un flic, un plouc, au moule, qui rentrera dans la case prévue à cet effet.
Heureusement, il reste les fossés, les bas-côtés, les talus, les interstices, les terrains vagues, où poussent les indésirables. Les voyous.
Mais que mangeront les abeilles de l’esprit, qui font du miel de nos pensées, si l’homme machinal gagne la partie ?
Alors, résolument, soyons des voyous et non des rouages. De faux braves gens qui suivent la route toute tracée entre deux murs. Sortons la tête de nos boîtes, humons le vent. Grandissons ça et là sur les talus, semons des graines interdites, répandons la mauvaise parole, dansons, crions, remuons le Ciel et la Terre, refusons toutes les œillères, soyons nous.