SVP, pardonnez mon indigence actuelle. En quelques mois, à force de ne pas écrire, j'ai quitté le statut de blogueur (relativement) reconnu pour celui de SDF.
A force d'extraire le charbon et le diamant de ma mine, j'en étais devenu l'esclave et le proxénète, ce bijoutier qui gagne de l'or dans ses salons feutrés à exposer la sueur et le sang de ceux qui descendent au fond.
Je n'écris presque plus.
Mais je ne cesse de lire, et des meilleurs. De ceux dont le fouet ne laisse pas un instant de repos : Hugo, London (oh, London, quelle merveille, cet homme/femme, cette tendresse), Dick, Dostoïevski, etc.
Mme VJ et moi parlons sans cesse, et chaque seconde de nos conversations pourrait faire naître un texte, un bijou brut, remonté de la mine, taillé afin de jeter mille feux, mais rien n'en sort.
Ce pourrait être une forme de malédiction, de sécheresse. Rien de tel. Seule compte l'extraction.
Je ne sais rien des temps que nous vivons, que nous partageons, vous et moi, ni ce qu'ils signifient. Je sais seulement qu'une énergie intense sert en ce moment, jour et nuit, à mettre à l'air libre des choses enfouies, dissimulées depuis l'éternité.
J'ai, par exemple, rêvé - est-ce un rêve ? - que j'avouais tranquillement tous les meurtres que j'avais commis, exhumant les restes de mes victimes, avouant que j'aimais ces gens que j'avais assassinés, mais que je l'avais fait pour être peinard, parce qu'ils me gênaient, et que c'était plus simple, bien que je les aime, de les supprimer. Si j'étais tranquille, dans l'aveu, c'est parce que bien sûr, je les aimais tendrement, mes victimes, mais que je ne pouvais plus supporter de devoir passer mes meurtres sous silence.
Dans l'hypothèse - non certaine - où chacun vivrait de semblables révélations, alors nous serions vraiment dans l'Apocalypse, la Levée du Voile de l'Oubli.
Depuis Septembre, je travaille énormément, pour gagner ma croûte, mais aussi pour le service rendu en compensation, ce qui est largement aussi nécessaire. Reste peu de temps pour les épanchements. Comme si je faisais la guerre. Nous vivons un temps de guerre, je crois. Peu de temps pour les fioritures, les épanchements.
Mme VJ et moi, lors des pauses, parlons de nous. Avançons, nous l'espérons, dans la connaissance et l'approfondissement de nous-mêmes. De cette invraisemblable complexité que nous sommes, elle, vous, et moi. Tous.
Ce soir, si j'avais été PKD (Philip K. Dick), à la suite des interrogations de ma femme, qui ne cesse d'enseigner et de guérir, mais s'estime toujours insuffisante, et voudrait encore et toujours apprendre, se perfectionner, j'aurais écrit une nouvelle, mettant en scène un robot, un de ces robots qu'on nous montre, toujours plus élaboré - dont on nous menace serait plus juste - un robot chargé de soigner et d'enseigner, nourri de toutes les informations disponibles sur les personnes à enseigner et à soigner, et qui ferait un fiasco complet.
Parce qu'aucune information ne rendra jamais compte de la complexité d'un être humain. Jamais. Vous êtes vous jamais retrouvé dans le système des cases à cocher ?
Où est l'intuition, là-dedans ? Où est l'amour ? L'humour ? Où sont la connivence, la complicité, la tendresse ?
De ma vie, je ne me suis jamais retrouvé dans aucune des catégories proposées par les organismes de sondage.
L'essentiel échappe aux catégories, et leur échappera toujours, de la même manière qu'aucune technique ne mettra l'horizon réel en paramètres.
Jamais la machine qu'on nous promet, dont on nous menace, qui serait notre avenir sataniquement nécessaire et obligatoire ne pourra nous vaincre. Les aspects mécaniques de notre scaphandre ne suffisent, et de loin, pas à rendre compte de notre étrangeté.
La preuve ? Quelle machine pourrait comprendre une telle phrase :
Lorsqu'elle macérait dans ses bras, ça sentait un peu la transpiration ?