Il y a deux manières, grosso modo, d’appréhender le monde : croire d’une part que tout est ouvert, et que nous pouvons agir sans limites, c’est la thèse du libre-arbitre. A l’inverse, certains pensent que notre destinée est écrite, prédéterminée.
Rien de nouveau sous le soleil, ces deux thèses forment les bornes entre lesquelles tous les mixtes, croyances, adaptations sont possibles.
Boris Mouravieff écrit en substance que nous vivons un film, dont nous sommes le personnage principal. Mais nous pouvons y apporter notre touche personnelle, et, par des ajustements successifs, découvrir le scénario ultime, qui après d’éternels recommencements, nous permet de mettre pour toujours le mot « Fin ».
C’est une adaptation qui reste dans les bornes mentionnées.
Le film qui se déroule à l’intérieur et à l’extérieur de nous en 2010 est un film catastrophe. A travers le scénario, auquel nous avons probablement collaboré, avant de perdre la mémoire, avant que l’Ange ne marque notre lèvre supérieure d’une dépression, là où il a mis l’index, en murmurant : chut !, ou chute, je ne sais plus, à travers ce scénario de temps de guerre, c’est notre désir de pureté qui parle, et qui a voulu mettre à nu les ressorts de la possession, de l’égoïsme.
Ces brutes qui cherchent à écraser le monde sous leur domination sont la projection sur l’écran de nos tendances possessives et égotiques. Leurs armes et leurs armées qui hachent les gens sont notre violence contre tout ce qui existe, et dont nous ne voulons pas.
Car nous refusons presque tout. Nous voulons commander, choisir, décider. Alors que nous avons co-écrit le scénario, nous n'en voulons pas.
Si le but de la vie n’est pas de se laisser rouler par les vagues, il n’est pas non plus de décider de la météo.
Pas la peine de se voiler la face devant l’horreur du scénario, c’est LE scénario. Tout s’effondre, tout est maintenant visible, en pleine lumière.
Les sinistres pitres qui s’agitent sur la scène politique ne font plus illusion, sauf aux plus hébétés. Chacun voit que ce sont des marionnettes aux mains de mafias d’une insondable noirceur.
Mais ce sont les données du film. Tout le monde voit maintenant que le mal, c’est-à-dire l’avidité, l’orgueil, la luxure, bref, la personnification de tous les démons qui vivent en notre cœur depuis toujours, ce mal mène l’intrigue à sa fin.
Le scénario est sans ambiguïté : nous serons tous foulés aux pieds.
C’est là, que nous pouvons agir. Quand les peuples convenablement excités par les insultes et les privations se jetteront les uns sur les autres, lorsque chacun mourant de faim voudra prendre l’autre à la gorge, que ferons-nous ?
Nous laisserons nous emporter par la vague de haine et de désespoir, ou choisirons-nous une autre voie ?
Car il y a une autre voie, plus étroite en apparence.