Pour triompher de nous, et nous mettre à leur botte, nos élites, qui sont nos pires ennemis ont besoin de nous avilir.
Rien n’est plus facile que de flatter nos instincts les plus bas, de nous offrir en pâture journalière les spectacles les plus dégradants, de susciter ce que nous avons de pire, de nous jouer les uns contre les autres.
La mise ? Je n’en voudrais pas, mais manifestement, elle fait des adeptes : le pouvoir. Quoi de plus con que le pouvoir ? Mais il faut croire que ça doit avoir du charme puisque tant de fauves s’arrachent les tripes pour en jouir, paraît-il.
Jouissance solitaire, sans complément, sans grandeur, et sans issue.
Nos maîtres s’enferrent dans un onanisme stérile par définition, et dont les joies sont avares de joie. C’est leur problème, comme dit ma fille.
Pour nous, nous les zumains basiques, carrés, empilables, c’est une vilaine pitance qu’on nous sert. Il n’y a qu’à observer une minute nos congénères dans les supermarquettes – chez moué, y’a point l’métro – pour voir d’emblée plusieurs choses : d’abord, ça vibre très très bas, et c’est point trop beau à regarder.
Deuzio, c’est mieux. Il y a toujours du vivant, sous les strates effrayantes de la dégradation savamment entretenue par nos bienveillants maîtres.
Troizio, c’est encore mieux : ces gens haïssent ce qu’ils subissent, et ne l’accepteront jamais. Non seulement ils vivent, mais ils savent qu'on les berne, et conservent une puissante énergie, disloquée, certes, mais récupérable. Une dignité, également.
De chacun d’eux, on peut refaire une femme, un homme digne de marcher sur deux pattes et de se regarder dans un miroir. Quelqu’un qu’on pourrait prendre dans ses bras.
Le seul moyen de produire ce miracle, c’est d’emmener l’humanité au fond du désespoir. Car sa part divine, spirituelle, qu’importe le nom, cette part voudra toujours retrouver la surface, et emmènera tout sur son passage.
Dans ce sens, nos dégoûtantes élites, si pressées de remporter leur poker poisseux par d’innommables combines et des millions de meurtres sont nos meilleurs alliés, nos pires amis : à force de nous faire toucher le pire de nous-mêmes, ils finiront par faire jaillir de l’humanité toute entière unie contre eux ce qu’est vraiment l’humanité.
La fin de l’hiver, la fin de Satan.