Il faut clairement distinguer la société officielle basée sur le principe de soumission et la société fraternelle des hommes.
A vingt ans, j'étais, comme de nombreux jeunes gens d'aujourd'hui, révolté par la saloperie ambiante, qui depuis n'a fait qu'empirer : tout est à vendre au plus offrant, tout est à prendre, à salir, à abaisser, à violer. Qui refuse de se livrer est écrasé.
Cela, c'est le fruit du schéma directeur qui mène le monde depuis les temps immémoriaux : la loi du plus fort. La force étant comprise comme amoralité totale. "La fin justifie les moyens" est la devise évidente de ce monde.
Contre cette société, toutes les révoltes sont permises et nécessairement justes. Voler les voleurs, mentir aux menteurs est juste. Pas forcément plus juste, ou autant, que décider de ne pas voler ni mentir, mais juste.
La société du mensonge, du vol et de la force est nécessairement policière, et ne doit sa survie qu'à son impitoyable brutalité. En tant que telle, et quels que soient ses masques religieux, idéologiques ou romantiques, c'est un univers archaïque qui n'a pour avenir que la disparition et l'oubli.
Aujourd'hui, le mieux que je puisse faire est de vivre dedans, comme on traverse une odeur pestilentielle, un lieu grouillant de vermine, en retenant ma respiration jusqu'à la prochaine porte.
Si le système est infect, les gens qui le composent, le subissent ou le perpétuent en toute bonne foi n'ont rien de méprisable. A des degrés divers, comme moi, ils en sont les victimes. S'ils se soumettent, c'est qu'ils n'ont pas encore trouvé d'autre moyen de subsister, physiquement, psychiquement.
Haïr, mépriser le système, et aimer les hommes, telle est la voie. Il importe de ne pas confondre. Mépriser et haïr les hommes, c'est tourner le dos à la lumière.