Ante scriptum : ce texte a été conçu pour être dit, parlé, et pourquoi pas vociféré, si vous ne craignez pas d'être enfermé,
plutôt que lu du bout des yeux. C'est un texte de chair.
Milliards de trilliards de mots versés à la hâte sans regarder, suintant par tous les blogs dégorgeant des issues de secours, coulant des émonctoires, ruisselants, je n’en pluie pus, les
livres, qui des livrées de Dell ivres ne délivrent pas, pleuvent en tas sans dire grand-chose, rien, éphémère barrage de vide. Comblance.
Boucherie. Obstructation. Draguage, séductesse, hâppement, éructisme.
Lus mais pas vus, pas vus pas pris quoique ?
Les mots globines, toujours mots dits, les mots scions, et les mots doux, les mots très durs, qu'on n'en a même pas pour le dire, les mots ressauts, mots recelés, sous le calme trompeur des mots lits, faut il comme les horribles ouvriers du Malleus Maleficarum rechercher par tous moyens tout démantibuler désinstaller pour obtenir enfin la vraie substance des mots niaques ?
Les Précieuses en fats bliauds de soie dont riait Molière avaient senti que dans la truculence des fabliaux de corde, et de sac, des baiseries rabelaisiennes et villonesques vilenies irradiait l'esprit impur, qui n’a que le tort bien caché d’être le seul Pur, du grec Puros, le Feu, comme le purin et dont les adeptes puromanes, ou purotins, comme le redit plus tard Alfred Jarry n’avaient de cesse de bouter le Feu divin à ce monde de paille.
Mots sades ? Mots laids ? Larcins ? Clairs de bauge à mi-lune ? Torve détour, tortueux tourbillon, trublion troglodyte, je mâche vos sons comme sons de gloire, pris pour toujours à l'âme son, vous dont j'aime tant le poids son, pure jouissance à pleine gueule.
La vérité est-elle dans les mots propres : technicienne de surface, prestataire de services sexuels, gardien de la paix et force
de sécurité ou dans la souille des mots obscurs charriant l’humeur profonde des vieux passés : souillon, fille de salle, de joie, lumière des hommes, porc, tripaille, soudard ?
Ressources humaines, ou chair à canon, cher appâté ?
Dans l'ordure, il y a l'or, c'est connu, l'or durable caché sous la couche des siècles, alors que vos mots ne sont que des étiquettes de lettres accolées sans amour et sans destinataire.
Un mot rayé du vocabulaire précieux : concupiscent, con, cul pissant. Un autre : convergence, con verge anse, curieux cul rieur, tout est interdit. Mais c'est pourtant le con et la verge en qui font l'engeance, l'engendrement, le fruit du mâle et de la femelle même si vous avez, savants gloseurs inventé ou déféqué peut-être de vos cervelles sèches le vocabulaire in vitro.
Gens de la Terre : causez propre, avec des mots absous et redissous dans le bouillon des Halde bien pensantes. Quand vous causerez propre, vous penserez propre.
C’est ce que NOUS voulons. Du propre, bien astiqué par les techniciennes électroniques impavides de la surface des choses mortes et ensevelies. Que vos mots reluisent et sortent déjà morts en longue cohorte de vers nettoyeurs du cadavre apoétique de vos palais déserts où même vos dents s'ennuient.
NOUS voulons que vous votiez pour ce qui vient d’être astiqué.
NOUS avons inventé et autorisé donné l’imprimatur à la Cacadémie pour astiquer et jeter. Il vient d'y entrer une Simone Vieille et maintenant immortelle, paraît-il, ce qui doit faire s'esclaffer toute la cohorte des anges, tant déchus que fidèles, pour une fois réunis par force, et qui n'est pas Celle que tant aimions, mais celle-là permettra enfin l'avortement légal de tous les mots que NOUS n'aimons pas.
N’aimez pas les mots sales. Fuyez les mots glissants et poisseux. Gluants puceux et pustuleux, fistuleux, flatulents. Boyaux viscères et glands visqueux fuyez, pets vents remugles et corruption fécale, furoncles et turgescences priapiques, lèvres gonflées, levés de lièvres, boucs égarnis, Sodome Gomorrhe et logorrhée fuyez, gens de la Terre. Brûlez sorciers mal embouchés cramez les livres nourriciers boutez sorcières en souricières. Qu'à chaque commissure on appose des commissaires, chargés d'en réprimer la joie.
Fuyez le laid fuyez le sale. NOUS savons ce qui est beau.
Sur la plus haute pointe du laboratoire enfin incandescent de l’eau de javel Lacroixetlabannière labellisée et irradiée surirradiée selon l’évangile de saint Howard Hughes, martyr
aseptisé, je vous en conjure, lavez-vous la bouche trente fois et ne dites plus que des mots propres. Alors vous serez enfin parfaitement et irrémédiablement morts, another brick in the
wall.
PS: De la vraie Simone Weil : « À quatorze ans je suis tombée dans un de ces désespoirs sans fond de l'adolescence, et j'ai sérieusement pensé à mourir, à cause de la médiocrité de mes
facultés naturelles. (…) Je ne regrettais pas les succès extérieurs, mais de ne pouvoir espérer aucun accès à ce royaume transcendant où les hommes authentiquement grands sont seuls à entrer et
où habite la vérité. J'aimais mieux mourir que de vivre sans elle. Après des mois de ténèbres intérieures j'ai eu soudain et pour toujours la certitude que n'importe quel être humain,
même si ses facultés naturelles sont presque nulles, pénètre dans ce royaume de la vérité réservée au génie, si seulement il désire la vérité et fait perpétuellement un effort d'attention pour
l'atteindre. (…) Plus tard, quand les maux de tête ont fait peser sur le peu de facultés que je possède une paralysie que très vite j'ai supposée probablement définitive, cette même
certitude m'a fait persévérer pendant dix ans dans des efforts d'attention que ne soutenait presque aucun espoir de résultats. » « Attente de Dieu, pp. 38-39 ;
Œuvres, pp. 768-769 »