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14 septembre 2013 6 14 /09 /septembre /2013 12:31
Ça vous dit, une promenade musicale en Grèce,
dans l'oeuvre magnifique d'un compositeur complètement inconnu en France (même pas biographie sur le ouèbe, ce qui montre bien le lavage de cerveau et le terrorisme culturel dont nous sommes les victimes de la part du colonisateur anglo-saxon)qui s'est envolé en 1994 ?
 
Attachez vos ceintures, le voyage dure deux heures.
 
 
 
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14 septembre 2013 6 14 /09 /septembre /2013 11:36

J'ai commencé la lecture de Abel ou la traversée de l'Eden, de Marie Balmary. Elle lit les textes fondateurs du christianisme et les textes grecs originels dans leur langue, grec ancien, hébreu, et c'est assez vivifiant. Tout l'édifice poussiéreux de la religion moralisatrice s'effondre. En dessous, coule une source limpide.

 

Elle déboulonne bien des rambardes, renverse des barrières, doucement, tranquillement, patiemment, étudie les successives déclarations des droits de l'homme, et y découvre que le but maintenant officiellement proposé à l'homme, c'est une existence d'où toute transcendance, toute référence à une vie supérieure sont bannies : l'homme n'est qu'un animal amélioré dont la destinée cesse à la mort du corps, et dont le but est l'insertion optimale dans le groupe. Mouton parmi les moutons, quoi.

 

On s'en doutait, elle montre que c'est officiel.

 

Voici un extrait intéressant, concernant Freud et la psychanalyse :

 

Relisant la biographie de Jones, je fus intriguée par une anecdote de la vie de Freud à laquelle je n'avais jamais prêté attention :

 

«  En 1906, à l'occasion du 50e anniversaire de Freud,son petit groupe de disciples viennois lui offrit une médaille gravée par le fameux sculpteur Karl Maria Schwerdtner. À l’avers, le profil de Freud, au revers, un motif représentant Oedipe répondant au sphinx. Sur la tranche, ce vers de l'Oedipe roi de Sophocle : Os ta klein ainigmat èdei kratistos èn aner (Qui résolut l'énigme fameuse et fut un homme de très grand pouvoir).

Quand Freud me la montra quelques années plus tard, je lui demandai de me traduire cette citation car je n'avais plus qu'un souvenir bien vague de mon grec. Mais, modestement, il me dit de m'adresser à quelqu'un d'autre. Un curieux incident s'était produit à la remise dudit médaillon. En lisant l'inscription, Freud pâlit, s’agita et, d'une voix étranglée, demanda qui y avait songé. Il se comporta comme s'il avait rencontré quelque revenant et c'est bien ce qui est arrivé. Ferdern dit à Freud que c'était lui qui avait choisi la citation, alors ce dernier révéla que, jeune étudiant à l'université de Vienne, il avait coutume de déambuler dans la grande cour et de regarder les bustes d'anciens professeurs célèbres. C'est alors que, non seulement il avait eu le fantasme d'y voir son propre buste futur, mais encore qu'il avait imaginé ce buste portant exactement les mots qui se trouvaient sur le médaillon. »

 

Je suis retournée à la pièce de Sophocle et il m'apparaît aujourd'hui que Freud, en lisant les mots gravés sur sa médaille, avec une tout autre raison de pâlir s’il se souvenait de leur contexte. Je relis ce vers, tel que Jones le rapporte : « Qui résolut l'énigme fameuse et fut un homme de très grand pouvoir ».

 

Ceux qui croyaient par là honorer Freud commettaient un étonnant contresens. À moins que ce ne soit de leur part grave avertissement (inconscient) à la psychanalyse… Ces mots grecs sur la médaille arrivent à la fin de l'Oedipe roi, au moment Œdipe a tout découvert : sa véritable identité et ses crimes. Fou d'horreur et de douleur, il va, il vient, demandant où il pourra trouver l’épouse qui fut aussi sa mère et celle de ses enfants. Soudain, ils se rue dans la chambre, et là il trouve Jocaste pendue au lit. Il dénoue la corde et couche le corps sur le sol. Arrachant alors l’agrafe qui retenait les vêtements de la morte, ils s’en frappe les  yeux. Et c'est ainsi qu'il apparaît, maintenant, à la dernière scène, défiguré, sanglant, les yeux crevés. Le choeur, bouleversé par l'extrême malheur de son roi, le plaint et l'interroge :

 

« Qu'as-tu fait ? Comment as-tu pu détruire tes prunelles ? (…) Mieux valait pour toi ne plus vivre que vivre aveugle à jamais. »

 

A cela Oedipe répond :

 

« Ah, ne me dis pas que ce que j'ai fait n'était pas le mieux que je pusse faire ! Épargne moi et leçons et conseils. Et de quels yeux, descendu aux enfers, dussé-je, si je voyais, regarder mon père et ma pauvre mère, alors que j'ai sur tous les deux commis des forfaits plus atroces que ceux pour lesquels on se pend ? »

 

Finalement, le choeur s'adresse au peuple et la tragédie s'achève sur ces mots :

 

Le chœur : « Regardez, habitants de Thèbes des pères, le voilà, cet Oedipe, cet expert en énigmes fameuses qui était devenu le premier des humains. Personne dans sa ville ne pouvait contempler son destin sans envie. Aujourd'hui, dans quel flot d'effrayantes misères est-il précipité ! C'est donc ce dernier jour qu'il faut, pour un mortel, toujours considérer. Gardons-nous d'appeler jamais un homme heureux, avant qu'il ait franchi le terme de sa vie sans avoir subi un chagrin. »

 

Les mots offerts à Freud sur le médaillon ont bien désigné Oedipe, mais loin d’être prononcés à sa louange, ils sont en contraste, pour mieux faire ressortir l'épouvantable malheur du roi. Cet Œdipe, si intelligent devant les énigmes et si puissant parmi les hommes, regardez-le, habitants de Thèbes (« des pères », dit le texte grec, car les habitants, eux, ont des pères), regardez dans quel flot d'effrayantes misères il est précipité… Étrange cadeau d'anniversaire que ces mots d'une affreuse dérision pour un Grec. Freud le savait-il ? Serait-ce pour cela qu'il est devenu pâle en recevant la médaille et que, plus tard, il n'a pas voulu traduire la phrase pour Jones ?

 

Ainsi donc, notre culture - et même ici un de ses plus éminents représentants - souffrirait d'une méconnaissance. Elle ne saurait plus lire le bonheur comme bonheur, le malheur comme malheur. Mais au point d'offrir en cadeau, gravés, inaltérables, des mots qui, dans la culture où ils ont été pris, dénoncent l'illusion tragique du bonheur mensonger, cela m'a semblé remarquable, venant de ceux qui sont supposés voir plus clair que d'autres, entendre mieux.

 

 

Marie Balmary : Abel ou la traversée de l’Eden

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7 septembre 2013 6 07 /09 /septembre /2013 21:49
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28 août 2013 3 28 /08 /août /2013 00:00

Par l'un de mes écrivains préférés, un constat de la réalité du monde où nous existons. Pour le gnostique, l'architecte de ce monde est un fou. Son oeuvre est un cauchemar.

 

Ce serait désespérant si nous n'étions que naturels. Si nous n'avions pas une autre nature. Si cette réalité n'était pas un film, une sorte d'hallucination.

 

"L'homme est un isthme entre la lumière et l'obscurité", dit Jalal Eddine Rumî.

 

La lumière est le monde d'où nous venons. L'obscurité, la matière que nous animons.

 

Sans la lumière, c'est-à-dire si nous perdons le souvenir que nous ne sommes pas vivants ici, mais uniquement immergés dans une réalité altérée, nous subissons le règne de la terreur.

 

Aujourd'hui, C'est notre terre toute entière qui subit l'assaut d'êtres privés de lumière, dont le but est de vaincre, régner, et demeurer ici dans cette dimension, cette réalité. Telle est l'impression que nous laissent les événements en cours.

 

En fait, c'est notre propre obscurité qui nous tourmente et cherche à nous aspirer. A aspirer cette lumière qu'elle hait et aime tant.

 

Place à M. Dino Buzzati :

 

"Elle eut, dans son sommeil, un faible gémissement.  

A la tête de l'autre lit, assis sur le divan, il lisait à la lumière concentrée d'une petite lampe. Il leva les yeux. Elle eut un léger frémissement, secoua la tête comme pour se libérer de quelque chose, ouvrit les paupières et fixa l'homme avec une expression de stupeur, comme si elle le voyait pour la première fois. Et puis elle eut un léger sourire.

- Qu’y a-t-il, chéri ?

- Rien, je ne sais pas pourquoi mais je ressens une espèce d'angoisse, inquiétude…

- Tu es un peu fatigué du voyage, chaque fois c'est la même chose et puis tu as un peu de fièvre, ne t'inquiète pas, demain ce sera passé.

 

Elle se fut pendant quelques secondes, en le fixant toujours, les yeux grands ouverts. Pour eux qui venaient de la ville, le silence de la vieille maison de campagne était vraiment exagéré. Un tel bloc hermétique de  silence qu'il semblait qu’une attente y fût cachée, comme si les murs, les poutres, les meubles, tout, retenaient leur respiration.

 

Et puis elle dit, paisible :

Carlo, qu’y a-t-il dans le jardin ?

Dans le jardin ?

Carlo, je t'en prie, puisque tu es encore debout, est-ce que tu ne voudrais jeter un coup d'oeil dehors, j'ai comme la sensation que …

Qu’il y a quelqu'un ? Quelle idée. Qui veux-tu qu'il y ait dans le jardin en ce moment ? Les voleurs ? Et il rit. Ils ont mieux à faire, les voleurs, que de venir rôder autour d’une vieille bicoque comme celle-ci.

Oh ! je t’en prie, Carlo, va jeter un coup d’œil.

 

Il se leva, ouvrit la fenêtre et les volets, regarda dehors, resta stupéfait. Il y avait eu de l'orage l'après-midi et maintenant dans une atmosphère d'une incroyable pureté, la lune sur son déclin éclairait de façon extraordinaire le jardin, immobile, désert et silencieux parce que les grillons et les grenouilles faisaient justement partie du silence.

 

C'était un jardin très simple : une pelouse bien plane avec une petite allée aux cailloux blancs qui formait un cercle et rayonnait dans différentes directions : sur les côtés seulement il y avait une bordure de fleurs. Mais c'était quand même le jardin de son enfance, un morceau douloureux de sa vie, symbole de la félicité perdue, et toujours, dans les nuits de lune, il semblait lui parler avec des allusions passionnées et indéchiffrables. Au levant, à contre-jour et sombre par conséquent, se dressait une barrière de charmes taillés en arches, au sud une haie basse de buis, au nord l'escalier qui menait au potager, au couchant la maison. Tout reposait de cette façon inspirée et merveilleuse avec laquelle la nature dort sous la lune et que personne n'est jamais parvenu à expliquer. Cependant, comme toujours, le spectacle de cette beauté expressive qu'on peut contempler, bien sûr, mais qu'on ne pourra jamais faire sienne, lui inspirait un découragement profond.

Carlo, appela Maria de son lit, inquiète, en voyant qu’il restait immobile à regarder. Qui est là ?

Il referma la fenêtre, laissant les volets ouverts et il se retourna :

Personne, ma chérie. Il y a une lune formidable. Je n’ai jamais vu une semblable paix.

 

Il reprit son livre et retourna s'asseoir sur le divan.

 

Il était onze heures dix.

 

À ce moment précis, à l'extrémité sud-est du jardin, dans l'ombre projetée par les charmes, le couvercle d'une trappe dissimulée dans l'herbe commença à se soulever doucement, par à-coups, se déplaçant de côté et libérant l'ouverture d'une étroite galerie qui se perdait sous terre. D’un bond, un être trapu et noirâtre en déboucha, et se mit à courir frénétiquement en zigzag.

Suspendu à une tige un bébé sauterelle reposait, heureux, son tendre abdomen palpitait gracieusement au rythme de sa respiration. Les crochets de l'araignée noire se plongèrent avec rage dans le thorax et le déchirèrent. Le petit corps se contorsionna, détendant ses longues pattes postérieures, une seule fois. Déjà les horribles crocs avaient arraché la tête et maintenant il fouillaient dans le ventre. Des morsures jaillit le suc abdominal que l'assassin se mit à lécher avidement.

Tout à la volupté démoniaque de son repas, il n’aperçut pas à temps une gigantesque silhouette sombre qui s'approchait de lui par derrière. Serrant encore sa victime entre ses pattes, l'araignée noire disparut à jamais entre les mâchoires du crapaud.

Mais tout, dans le jardin, était poésie et calme divin.

Une seringue empoisonnée s'enfonça dans la pulpe tendre d’un escargot qui s'acheminait vers le jardin potager. Il réussit à parcourir encore deux

centimètres avec la tête qui lui tournait, et puis il s’aperçut que son pied ne lui obéissait plus et il comprit qu'il était perdu. Bien que sa conscience fut obscurcie, il sentit les mandibules de la larve assaillante qui déchiquetait furieusement des morceaux de sa chair, creusant d'atroces cavernes dans son beau corps gras et élastique dont il était si fier.

Dans la dernière palpitation de son ignominieuse agonie il eut encore le temps de remarquer, avec une lueur de réconfort, que la larve maudite avait été harponnée par une araignée-loup et lacérée en un éclair.

Un peu plus loin, tendre idylle. Avec sa lanterne, allumée par intermittence au maximum, une luciole tournoyait autour de la lumière fixe d’une appétissante petite femelle, languissamment étendue sur une feuille. Oui ou non ? Oui ou non ? Il s'approcha d'elle, tenta une caresse, elle le laissa faire. L'orgasme de l'amour lui fit oublier à quel point un pré pouvait être infernal une nuit de lune. Au moment même où il embrassait sa compagne, un scarabée dorée d’un seul coup l’éventra irrévocablement, le fendant de bout en bout. Son petit fanal continuait à palpiter implorant, oui ou non ? que son assaillant l'avait déjà à moitié englouti.

À ce moment-là, il y eut un tumulte sauvage  à un demi-mètre de distance à peine. Mais tout se régla en quelques secondes. Quelque chose d'énorme et de doux tomba comme la foudre d’en haut. Le crapaud sentit un souffle fatal dans son dos, il chercha à se retourner. Mais il se balançait déjà dans l'air entre les serres d'un vieux hibou.

 

En regardant on ne voyait rien. Tout dans le jardin était poésie et divine tranquillité.

 

La kermesse de la mort avait commencé au crépuscule.

 

Maintenant elle était au paroxysme de la frénésie. Et elle continuerait jusqu'à l'aube. Partout ce n'était que massacre, supplice, furie. Des scalpels défonçaient des crânes, des crochets brisait des jambes, fouillaient dans les viscères, des tenailles soulevaient les écailles, des poinçons s’enfonçaient, des dents trituraient, des aiguilles inoculaient des poisons et des anesthésiques, des filets emprisonnaient, des sucs érosifs liquéfiaient des esclaves encore vivants. Depuis les minuscules habitants des mousses : les rotifères, les tardigrades, les amibes, les tecamibes, jusqu'aux larves, aux araignées, scarabées, aux mille-pattes, oui, oui, jusqu'aux orvets, aux scorpions, aux crapauds, aux taupes, aux hiboux, l'armée sans fin des assassins de grand chemin se déchaînait dans le carnage, tuant, torturant, déchirant, éventrant, dévorant. Comme si, dans une grande ville, chaque nuit, des dizaines de milliers de malandrins assoiffés de sang et armés jusqu'aux dents sortaient de leur tanière, pénétraient dans les maisons et égorgeaient les gens pendant leur sommeil.

 

Là-bas dans le fond, le Caruso des grillons vient de se taire à l'improviste, gobé récemment par une taupe. Près de la haie la petite lampe de la luciole broyée par la dent d’un scarabée s’éteint. Le chant de la reinette étouffée par une couleuvre devient un sanglot. Et le petit papillon ne revient plus battre contre les vitres de la fenêtre éclairée : les ailes douloureusement froissées, il se contorsionne prisonnier dans l'estomac d'une chauve-souris. Terreur, angoisse, déchirement, agonie, mort pour mille et mille autres créatures de Dieu, voilà ce qu’est le sommeil nocturne d’un jardin de trente mètres sur vingt. Et c'est la même chose  dans la campagne environnante, et c'est toujours la même chose au-delà des montagnes aux reflets vitreux sous la lune, pâle et mystérieuse. Et dans le monde entier c'est la même chose, partout, à peine descend la nuit : extermination, anéantissement, et carnage. Et quand la nuit se dissipe et que le soleil apparaît, un autre carnage commence, avec d'autres assassins de grand chemin, mais une égale férocité. Il en a toujours été ainsi depuis l'origine des temps et il en sera de même pour des siècles jusqu'à la fin du monde.

 

Maria s’agite dans son lit, avec de petits grognements incompréhensibles. Et puis, de nouveau elle écarquille les yeux, épouvantée.  

-   Carlo, si tu savais quel terrible cauchemar je viens de faire. J'ai rêvé que là dehors, dans le jardin, on était en train d'assassiner quelqu'un.  

Allons, tranquillise-toi un peu, ma chérie, je vais venir me coucher moi aussi.

Carlo, ne te moque pas de moi, j'ai encore cette étrange sensation, je ne sais pas, moi, c'est comme si dehors dans le jardin il se passait quelque chose.

Qu'est-ce que tu vas penser là …

Ne me dis pas non, Carlo, je t'en prie. Je voudrais tant que jette un coup d'oeil dehors.

 

Il secoue la tête et sourit. Il se lève, ouvre la fenêtre regarde.

 

Le monde repose dans une immense quiétude, inondée par la lumière de la lune. Encore cette sensation d'enchantement, encore cette mystérieuse langueur.

 

- Dors tranquille, mon amour, il n'y a pas âme qui vive dehors, je n'ai jamais vu une telle paix."

 

 

 

Merveille extraite du recueil "le K" 

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 09:31

J'ai eu envie de relire "la Nuit de Walpurgis", de Gustav Meyrink. Relire est un don qui nous est fait. C'est comme revenir dans une ville où nous aurions vécu vingt ans plus tôt, restée intacte, mais comme neuve, y découvrir des édifices jamais vus, des rues de traverses jamais empruntées, des perspectives inaperçues, s'y émerveiller.

 

Meyrink, je l'ai lu et relu tant de fois... entre quinze et trente ans...

 

J'y ai trouvé ces pages, ce monologue a deux voix débité dans une boîte de nuit par une sorte d'acteur minable et medium, dont la voix exprimée en italiques rappelle - précède, plutôt, puisque le texte a paru en 1917 - presqu'incroyablement certains passages des "Dialogues avec l'Ange" :

 

 

« Qui je suis ? » émit la bouche de l'acteur ; le médecin de la Cour crut entendre sa propre voix d'autrefois ; la voix d'un enfant, certes, mais en même temps la voix d'un vieillard ; on y discernait deux timbres, donnant l'étrange impression qu'il y avait deux voix qui parlaient : l'une, celle du passé, venant de très loin, l'autre, du présent, était comme l'écho d'une table de résonance amplifiant la première de manière qu’on pût l'entendre.

 

Et il y avait aussi dans ce que disaient ces deux voix un mélange d'innocence puérile et de la gravité sévère d'un homme âgé :

 

- Qui je suis ?  A-t-il jamais existé, depuis que le monde est monde, un seul homme capable de répondre à cette question ? Je suis le rossignol invisible, perché dans sa cage, et qui chante. Mais les cages n’ont pas toutes des barreaux capables de vibrer à son chant. Combien de fois n'ai-je pas commencé à chanter en toi ma chanson afin de me faire entendre de toi. Mais tu as été sourd toute ta vie. Dans l'univers entier on ne trouverait rien qui t’ait jamais été aussi proche et aussi personnel que moi, et maintenant tu me demandes qui je suis !

 

Il y a des hommes auxquels leur âme est devenue tellement étrangère qu'ils tombent foudroyés quand vient le moment pour eux de la découvrir. Ils ne la reconnaissent pas et elle leur apparaît déformée et grimaçante comme une tête de Méduse ; elle prend le visage des mauvaises actions qu'ils ont accomplies et dont ils craignent en secret qu'elles aient souillé leurs âmes. Ma chanson, tu ne peux l'entendre que si tu la chantes avec moi. Celui qui n'entend pas le chant de son âme, c'est celui-là qui est un coupable : coupable envers la vie, envers les autres, et envers lui-même. Un sourd est également muet. Est innocent celui qui entend continuellement la chanson du rossignol ; innocent, quand bien même il aurait tué père et mère.

 

- Que faut-il que j'entende et comment l'entendrai-je ? demanda le médecin de la Cour, oubliant complètement dans sa stupéfaction qu'il avait devant lui un irresponsable, peut-être même un fou. L'acteur, comme s'il n'avait pas entendu, continua de parler de ces deux voix qui s'entremêlaient et se complétaient si étrangement :

 

- Ma chanson est l'éternelle mélodie de la joie. Celui qui ne connaît pas la joie - la pureté, certitude joyeuse et gratuite - la joie gratuite du : Je suis celui qui est, qui était et qui demeure d'éternité en éternité - celui-là est un pécheur qui pèche contre le Saint Esprit.

 

Devant la splendeur de la joie qui rayonne dans le coeur comme un soleil au ciel intérieur s'évanouissent les fantômes des ténèbres qui accompagnent les hommes comme les ombres des mauvaises actions oubliées accomplies au cours d'existences antérieures et tissent les fils de leur destin. Celui qui entend et qui chante ce cantique de la joie abolit les conséquences de toute faute quelle qu'elle soit, et cesse d’ d'entasser faute sur faute.

 

Celui qui est incapable d'éprouver la joie, en lui le soleil est éteint - comment pourrait-il dès lors irradier la lumière ?

 

Même la joie impure est plus proche de la lumière qu'une triste et sombre gravité…

 

Tu me demandes qui je suis ? La joie et le Moi ne font qu'un. Celui qui ne connaît pas la joie ne connaît pas non plus son Moi.

 

Le Moi le plus profond est la source originelle de la joie ; celui qui ne l’adore pas se fait serviteur de l'enfer. N’est-il pas écrit : Je suis le seigneur ton Dieu, tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face ?

 

Celui qui n'entend pas et qui ne chante pas la chanson du rossignol n'a pas le Moi ; il n'est plus qu'un miroir éteint dans lequel vont et viennent les démons du dehors - un cadavre vivant, comme la lune au ciel avec ses feux éteints …

 

Tâche donc, tâche d'éprouver la joie !...

 

Il y en a tant qui s'y efforcent en demandant : de quoi aurais-je de la joie ? La joie n'a pas besoin de motif, elle naît d’elle-même, comme Dieu. La joie qui a besoin d'une cause, ce n'est pas de la joie, mais du plaisir.

 

Il y en a tant qui voudraient éprouver de la joie et qui ne le peuvent pas ; alors ils accusent le monde, et le destin. Ils ne pensent pas : un soleil qui a presque oublié le temps où il resplendissait, comment pourrait-il de ses premiers rayons débiles chasser déjà la troupe de fantômes d'une nuit millénaire ? Les fautes qu'on a commises envers soi-même tout au long d'une existence ne peuvent se réparer en un seul court instant !

 

Mais celui en qui est entrée une fois la joie gratuite, la joie sans cause, celui-là a désormais la vie éternelle, parce qu'il ne fait plus qu'un avec le Moi, qui ne connaît point la mort, celui-là est dans la joie sans cesse, quand bien même il serait aveugle et infirme de naissance. Mais la joie, il faut l'apprendre, il faut la désirer - seulement, ce que les hommes désirent, ce n'est pas la joie, mais… le motif de la joie.

 

C'est cela qu'ils convoitent, mais pas la joie.

 

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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 17:57

Oh la terrible et surprenante odeur de viande qui meurt
c’est l’été et pourtant les feuilles des arbres du jardin
tombent et crèvent comme si c’était l’automne…
Cette odeur vient du pavillon
où demeure monsieur Edmond
chef de famille
chef de bureau
c’est le jour de la lessive
et c’est l’odeur de la famille
et le chef de famille
chef de bureau
dans son pavillon de chef-lieu de canton
va et vient autour du baquet familial
et répète sa formule favorite
Il faut laver son linge sale en famille
et toute la famille glousse d’horreur
de honte
frémit et brosse et frotte et brosse
le chat voudrait bien s’en aller
tout cela lui lève le cœur
le cœur du petit chat de la maison
mais la porte est cadenassée
alors le pauvre petit chat dégueule
le pauvre petit morceau de cœur
que la veille il avait mangé
de vieux portefeuilles flottent dans l’eau du baquet
et puis des scapulaires… des suspensoirs…
des bonnets de nuit… des bonnets de police…
des polices d’assurance… des livres de comptes…
des lettres d’amour où il est question d’argent
des lettres anonymes où il est question d’amour
une rosette de la légion d’honneur
de vieux morceaux de coton à oreille
des rubans
une soutane
un caleçon de vaudeville
une robe de mariée
une feuille de vigne
une blouse d’infirmière
un corset d’officier de hussards
des langes
une culotte de plâtre
une culotte de peau…
soudain de longs sanglots
et le petit chat met ses pattes sur ses oreilles
pour ne pas entendre ce bruit
parce qu’il aime la fille
et que c’est elle qui crie
c’est à elle qu’on en voulait
c’est la jeune fille de la maison
elle est nue… elle crie… elle pleure…
et d’un coup de brosse à chiendent sur la tête
le père la rappelle à la raison
elle a une tache
la jeune fille de la maison
et toute la famille la plonge
et la replonge
elle saigne
elle hurle
mais elle ne veut pas dire le nom…
et le père hurle aussi
Que tout ceci ne sorte pas d’ici
Que tout ceci reste entre nous
dit la mère
et les fils les cousins les moustiques
crient aussi
et le perroquet sur son perchoir
répète aussi
Que tout ceci ne sorte pas d’ici
honneur de la famille
honneur du père
honneur du fils
honneur du perroquet Saint-Esprit
elle est enceinte la jeune fille de la maison
il ne faut pas que le nouveau-né
sorte d’ici
on ne connaît pas le nom du père
au nom du père et du fils
au nom du perroquet déjà nommé Saint-Esprit
Que tout ceci ne sorte pas d’ici…
avec sur le visage une expression surnaturelle
la vieille grand-mère assise sur le rebord du baquet
tresse une couronne d’immortelles artificielles
pour l’enfant naturel…
et la fille est piétinée
la famille pieds nus
piétine piétine et piétine
c’est la vendange de la famille
la vendange de l’honneur
la jeune fille de la maison crève
dans le fond…
à la surface
des globules de savon éclatent
des globules blancs
globules blêmes
couleur d’enfant de Marie…
et sur un morceau de savon
un morpion se sauve avec ses petits
l’horloge sonne une heure et demie
et le chef de famille et de bureau
met son couvre-chef sur son chef
et s’en va
traverse la place de chef-lieu de canton
et rend le salut à son sous-chef
qui le salue…
les pieds du chef de famille sont rouges
mais les chaussures sont bien cirées
 

Il vaut mieux faire envie que pitié.

 

Jacques Prévert

 

 

 

 

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 20:13

« La sainteté originelle qui est encore en nous, projette toujours un petit reflet d'une des vertus originelles. Le désir de l'homme d'être un sage ou un saint, d'être noble ou spirituel, est une aspiration à la possession des vertus originelles.

 

Nous pouvons, en tant  que chercheurs spirituels, avoir une aversion pour nous-mêmes, du fait que nous savons que les péchés capitaux demeurent en nous - ouvertement ou bien en secret.

 

Ils ont pris possession de nos pensées et de nos émotions, et ils sont les accompagnateurs vigilants de notre volonté et de notre activité.

 

Tout ce que nous faisons d'une manière cachée, ou bien ouvertement, pour notre propre intérêt, est le résultat des péchés capitaux.

 

Même l'intérêt personnel inconscient démontre la présence d'un péché capital. Presque tous les hommes vivent instinctivement et inconsciemment d’une possibilité spirituelle, ils sont ainsi les porteurs volontaires de l'impie ou d'un péché capital.

 

Dès que le mal devient excessif, on peut dire qu'il est devenu satanisme ou méchanceté, et donc : un péché capital.

 

Lucifer - le Fils de la lumière jaloux - devenu une personnalité légendaire, fut le fauteur des péchés capitaux. Il les possède tous, tout comme chaque fils de la lumière tombé en est porteur, et aussi tout comme la nature en est infectée.

 

Avant que Lucifer ne ce soit révolté - ou avant que l’âme ne descende dans le chaos - elle était porteuse des sept vertus originelles qui, après la Chute, dégénérèrent en sept péchés capitaux.

 

Dans la nature et dans l'homme, on peut reconnaître le reflet d'une des vertus originelles. Toutes les vertus en sont une faible et imparfaite imitation. Commençons par la première vertu originelle : le courage. Nous pouvons remarquer qu’elle est présente dans le printemps.

 

La colère est un péché capital - le courage est une vertu originelle. Le courage avec lequel la jeune plante lutte pour traverser la terre est unique.

 

Le courage avec lequel le bébé passe par le dur processus de la naissance, est lui aussi unique. Dans la nature, cette action inconsciente n'est qu'un reflet du courage originel.

 

Le courage est une flamme lumineuse et constante, ainsi que le sont également toutes les vertus originelles. Le Fils de la lumière est couronné par l'auréole des sept flammes - les sept vertus originelles. Le courage ne connaît pas d'obstacle ; traduit littéralement, il signifie : fermeté face aux difficultés.

 

Par ce courage, on peut conclure que l'homme était une unité en soi à l'origine, et qu'il ne possédait pas de points faibles, pas de failles ou les flèches de l'ennemi auraient pu le toucher.

 

L'homme ordinaire pense que la témérité, la force de volonté et la dureté sont semblables au courage - mais en vérité, un homme clément ou religieux peut tout aussi être très courageux.

 

Le courage, en tant que vertu originelle, chasse toute forme de crainte. Il y a alors une certitude intérieure qui donne un courage céleste.

 

La colère, en tant que péché capital, face au courage, semble inspirer les actes courageux, mais ce n'est qu'une apparence.

 

La colère est une passion, alors que le courage est une force intérieure qui est toujours présente, qui est toujours stable et identique à elle-même.

 

Le courage se démontre sous de nombreux aspects : dans la clémence, dans la patience, dans la tolérance, dans la hardiesse, dans la sagesse.

 

Bref, dans toutes les vertus originelles on trouve une base de courage.

 

C'est pour cette raison que j'ai dit que celui qui peut réveiller l'une des vertus originelles, pourra être assuré que celle-ci sera sa corde de salut pour sortir du puits du chaos.

 

Dès que la colère ou la paresse, l'envie ou l’avidité, l'avarice, l'orgueil ou la volupté règnent dans l'homme, le courage disparaît.

 

Chaque péché capital attaque la vertu originelle. Et parce que les sept vertus originelles sont en vérité une unité, tout comme les sept péchés capitaux le sont également, la présence de l'une ou l'autre est bénéfique ou bien funeste.

 

Chaque vertu originelle prépare le chemin pour ses compagnes - chaque péché capital est le guide pour ses acolytes !

 

L'homme qui veut posséder la clémence, devra posséder le courage de la confrontation avec ses ennemis, ses obstacles, ses adversaires. La clémence connaît le courage.

 

La crainte est inconnue, même si l'on ne possède qu'une seule vertu originelle ! Chaque vertu originelle chasse la crainte, parce que toutes se fondent sur une certitude intérieure.

 

Lorsque Michel triomphe du Dragon aux sept têtes, il le fait sur la base d'une vertu originelle : le courage qui lui donne la certitude et la hardiesse, l'intelligence et la concentration, le désintéressement de la noblesse intérieure ».

 

Henk LEENE « Les Sept Sceaux »

 

http://www.priceminister.com/offer/buy/622645/Leene-Henk-Les-Sept-Sceaux-Livre.html

 

 

PS : m'en vais respirer loin du net. Bises.

 

 

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 10:51
Le dernier rendez-vous entre Barbara et son père, en 1959.
Attention, ça déchire.
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20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 07:33

 "  Quand nous-mêmes nous donnons lieu à la colère, et que la laissant passer comme un torrent impétueux, nous examinons tranquillement combien elle trouble et défigure ceux qu’elle possède, nous apprenons par l’usage combien il est vrai de dire qu’« un homme emporté se met dans un état indécent » (Pr 11, 25). Oui, sans doute, lorsqu’une fois la colère, bannissant la raison, s’empare de toutes les facultés de l’âme, elle change l’homme en une bête féroce, ne lui permet plus d’être homme et d’user de son intelligence naturelle. Ce que fait le venin dans les animaux venimeux, la colère le fait dans ceux qu’elle anime. Ils sont enragés comme des chiens, s’élancent comme des scorpions, mordent comme des serpents. L’Écriture en général a coutume de donner à ceux qu’une passion domine, les noms des bêtes auxquelles ils se rendent semblables par leurs vices. Elle les appelle chiens muets, serpents, race de vipères (Is 56, 10 ; Mt 23, 33), et autres noms pareils. Des hommes prêts à détruire leurs semblables, à nuire à leurs compatriotes, peuvent être mis au nombre des bêtes féroces et des animaux venimeux, qui, par nature, sont ennemis irréconciliables de l’homme.

 

Les effets de la colère

Légèreté de la langue, paroles inconsidérées, calomnies, reproches, injures, violences des pieds et des mains : tels sont, sans parler de beaucoup d’autres qu’on ne pourrait détailler, tels sont les effets de la colère. La colère aiguise les épées, elle porte un homme à tremper sa main dans le sang d’un autre homme. Par elle, les frères se méconnaissent, les pères et les enfants étouffent les sentiments de la nature. Une personne irritée ne se connaît plus elle-même ; elle ne connaît plus ceux à qui elle tient de plus près. Et comme un torrent qui se précipite dans une vallée, entraîne tout ce qui s’oppose à son passage : ainsi un homme agité par une colère violente, attaque et renverse tout ce qu’il rencontre. ll ne respecte ni la vieillesse, ni la vertu, ni le sang ; il oublie les bienfaits ; rien de ce qui mérite le plus d’égards ne le touche. La colère est une courte frénésie. Ceux qu’elle transporte négligent leurs propres intérêts pour se venger, et se jettent eux-mêmes dans un mal évident. Le souvenir des injures qu’on leur a faites est comme un aiguillon qui les pique dans les bouillonnements et les agitations d’une fureur aveugle ; ils n’ont point de repos qu’ils n’aient fait un grand mal à ceux qui les ont offensés, ou qu’ils ne s’en soient fait à eux-mêmes. Ainsi un corps qui en choque violemment un autre qui lui résiste, reçoit souvent plus de dommage qu’il n’en cause. Qui pourrait exprimer les horribles effets de la colère ? Qui pourrait dire comment ceux qui s’emportent pour le moindre sujet, crient et s’agitent comme des forcenés, s’élancent avec la même impétuosité que des serpents, et ne cessent point que lorsque, s’étant causé quelque mal affreux, leur colère se rompt comme une bulle d’eau par un choc, et l’enflure se dissipe ? Le fer, la flamme, rien de ce qu’il y a de plus terrible, ne peut retenir, ni celui que la colère transporte, ni celui que le démon possède, dont l’homme irrité ne diffère, ni par la figure, ni par les dispositions intérieures. Brûle-t-il de se venger, le sang lui bout autour du cœur, bouillonnant et agité comme par la violence du feu. L’effet qui s’en marque au dehors le défigure entièrement, le fait paraître tout autre qu’il n’est pour l’ordinaire, le change comme un masque de théâtre. Ses yeux ne sont plus les mêmes, ils brillent et étincellent. Il aiguise ses dents comme un sanglier qui se prépare à attaquer son adversaire. Son visage est obscurci par une pâleur livide. Tout son corps s’enfle ; ses veines se gonflent par l’agitation du sang et des esprits. Sa voix devient rude et éclatante : ses paroles sont confuses et mal articulées, sans suite et sans ordre. Mais lorsque sa colère est portée aux derniers excès par les objets qui l’excitent, comme la flamme par les aliments qu’on lui fournit, alors il offre un spectacle qu’on ne peut ni raconter, ni supporter. Il n’épargne personne ; ses pieds, ses mains, toutes les parties de son corps deviennent les instruments de sa fureur : il s’arme de tout ce qui se présente. S’il rencontre un autre homme également irritable, susceptible de la même furie, ils se font tous deux les maux que peuvent se faire des hommes qui s’élancent l’un sur l’autre sous les auspices d’un pareil démon. Ils se déchirent, ils se blessent, souvent même ils se tuent ; et tels sont les prix que ces combattants furieux remportent de leur colère. L’un commence l’attaque, l’autre la repousse ; l’un presse, l’autre résiste : ils se portent les plus rudes coups, dont leur sang échauffé les empêche de sentir la douleur. Ils n’ont pas le loisir de songer aux blessures qu’ils reçoivent, leur âme étant tout entière attachée à la vengeance".

 

 

Basile de Césarée, un extrait de la dixième homélie

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 07:25

La libération de l'homme grâce à la connaissance salvatrice est le trait essentiel de l'Évangile selon Thomas. C'est lui qui va nous permettre d'apprécier la pureté et l'authenticité des traités gnostiques. D'autres caractères, secondaires par rapport à la connaissance et découlant de celle-ci, vont concourir à dessiner la figure du gnostique. Ils sont déjà tous dans l'Évangile, parfois tout juste esquissés, le plus souvent nettement formulés :

 

- divinité androgyne qui valorise le couple à tous les niveaux en tant qu’ invitation à faire le deux Un,

- réalisation intérieure conçue comme éveil et non comme résurrection au sens de réanimation d'un cadavre,

- découverte de notre identité véritable grâce à l'enseignement de Jésus et non prise en charge de notre être pécheur par un sang rédempteur,

- prise de conscience que notre être véritable est éternel alors que notre être psychosomatique est mortel,

- caractère illusoire, voire mensonger, du temps et de l'espace, lesquels masquent la réalité, d'où l'attitude originale du gnostique vis-à-vis du monde spatio-temporel à la fois par rapport à la conception grecque et à la conception chrétienne.

 

Tous ces traits qui caractérisent le comportement gnostique dérivent comme naturellement de la connaissance entendue au sens métaphysique du terme.

 

Nous ne reviendrons jamais trop sur ce qui constitue la clé de la gnose éternelle. Les conditions de temps et de lieu peuvent varier, les modes d'expression peuvent être différents, il n'en reste pas moins que la source de la révélation, dans la bouche d'êtres totalement éveillés, la gnose offre partout et toujours les mêmes constantes universelles.

 

Grâce au texte de base que nous possédons désormais, nous pouvons savoir comment le message de Jésus a été reçu et interprété dès le départ. La révélation s'est altérée pratiquement à partir de la source parce que les disciples ne comprirent pas ou comprirent imparfaitement les paroles du Maître.

 

Ils n'arrivèrent pas à faire table rase du passé. C'est ainsi que l'entourage juif de Jésus voyait la mission du Maître en fonction du salut d'Israël. Les juifs attendaient impatiemment le Messie annoncé par les prophètes, d'où la question brûlante : « Es-tu celui qui doit venir ou devons en attendre un autre ? » (Matthieu 11-3 ; Luc 7-19) Jésus eut beau affirmer son indépendance vis-à-vis d'une aventure temporelle les rédactions successives des évangiles canoniques orientèrent ses paroles en fonction du « salut qui vient des juifs » (Jean 4-22).

 

Émile Gillabert « Jésus et la Gnose », pages 129-130.

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Présentation

  • : Le jardin de Vieux Jade
  • : Arrivages du jour, légumes secs, mauvaises herbes, quelques trucs qui arrachent la gueule. Taupes, censeurs et culs bénits s'abstenir. Si vous cherchez des certitudes, c'est pas l'endroit.
  • Contact

Décidément rétif à l'ordre bestial, j'ai fixé ma résidence ailleurs, d'où j'observe le déroulement des temps infernaux, fumier des plus belles fleurs.  J'ai un jardin secret, où les plantes poussent toutes seules. Servez-vous, si le coeur vous en dit, sans tenir compte de la chronologie, car comme le mot le dit clairement, l'heure est un leurre.

 

Une précision concernant les commentaires : n'ayant pas toujours le temps ni l'énergie de répondre aux commentaires, ceux-ci restent ouverts, sans aucune garantie que j'y réponde. Je me réserve cependant le droit de sabrer les inconvenances, dont je reste seul juge.

 

Ici, je n'est pas un autre.

Recherche

Lave

Après l’explosion

Nul ne l’a sue

Le jour d’après

Coule la lave

Brûlent les cendres

Lave la lave

Mange la louve

Larmes sans sel

De régime

Cuit et recuit 

Frottent les cendres

Récurent

 

Pas encore nu,

Pas tout à fait ?

Restent des choses

Bien accrochées

Des salissures

De vieux fantômes

D’anciennes guerres

 

Qui peut le faire, si ce n'est toi ? 

 

Nettoie

 

Les notes glissent

Comme des larmes

Gouttes de feu

Sur la paroi

 

Qui m’a volé le cœur ?

Qui m’a trempé vivant,

Comme une lame ?

Qui m’a fouetté les yeux,

M’a déchiré le ventre

Me baisant les paupières

Et m’enduisant de baume,

Me prenant par la main,

Pour me conduire

Dehors ?

Les dits de Lao Yu

LE BUT DE LA QUÊTE EST DE N'AVOIR

NI BUT, NI QUÊTE

 

***

 

QUE SAIT-IL DE LA PESANTEUR,

CELUI QUI N'EST JAMAIS TOMBÉ ?

 

***

 

C'EST SOUVENT LORSQU'ELLE S'ENFUIT QU'ON PERÇOIT L'ESSENCE DE LA BEAUTÉ

 

***

 

LA MER A DES MILLIARDS DE VAGUES QUI BATTENT TOUS LES RIVAGES. OU EST LE CENTRE DE LA MER ?

 

***

 

CE QUI EST MORT N'A AUCUN POUVOIR SUR CE QUI EST VIVANT

SEULS LES MORTS CRAIGNENT LES MORTS

 

***

 

QUAND LE NID BRÛLE, LES OISEAUX S’ENVOLENT

 

***

 

C’EST DANS LA CHUTE QUE LES AILES POUSSENT

 

***

 

CE QUI PEUT ÊTRE PERDU EST SANS VALEUR

 

***

 

LA MAISON EST PLUS GRANDE QUE LA PORTE

 

***

 

L’ERREUR EST LA VOIE

 

***

 

LA ROUTE EST DURE A CELUI QUI BOÎTE

 

***

 

LA LUMIERE DE L’ETOILE EST DANS L’ŒIL QUI LA REGARDE

 

***

 

LES PETITS NOURRISSENT LES GRANDS

 

***

 

LES RICHES ONT UNE BOUCHE
MAIS PAS DE MAINS POUR LA REMPLIR

C’EST POURQUOI IL LEUR FAUT
DE NOMBREUX SERVITEURS ;


CEUX QUI ONT DE NOMBREUX SERVITEURS
NE SAURAIENT VIVRE SEULS,

CE SONT DONC DES PAUVRES ;


CELUI QUI PEUT VIVRE SANS SERVITEURS 
EST DONC LE VERITABLE RICHE.

 

***

 

VIVRE C’EST REVENIR SUR SES PAS

 

***

 

LA NUIT LAVE LE LINGE DU SOLEIL

 

***

 

LES RUISSEAUX EMPORTENT LES MONTAGNES

 

***

 

UNE EPINE DANS LE PIED DU GENERAL : L’ARMEE S’ARRÊTE


***
 


UN PORC EN HABITS DE SOIE RESTE UN PORC,
COMME UN DIAMANT DANS LE FUMIER

RESTE UN DIAMANT.

MAIS LA PLACE D’ UN DIAMANT

EST DANS UN ECRIN DE SOIE,

ET CELLE D’UN PORC DANS LE FUMIER.

 

***

 

COMME SEULE L’EAU ETANCHE LA SOIF,
SEULE LA JUSTICE COMBLE LA FAIM DE JUSTICE

 

***

 

DU COLIBRI A L’AIGLE, IL EXISTE DE NOMBREUX OISEAUX

 

***

 

LE DEDANS REGLE LE DEHORS

 

***

 

L’EPONGE BOIT LE VIN RENVERSÉ
ET LA ROSÉE DU MATIN

 

 

***  

 

LORSQU'IL DECOUVRE LE MIEL,

L'OURS OUBLIE LA PIQÛRE DES ABEILLES

 

 

 

 

 

 

 

 

Lisez-Moi Lisez Moi Lisez Moi

Des mots des mots des mots des

Quand à un livre je me livre , ce que je lis me délie.

 

 

Je me demande pourquoi on n'a pas encore une loi qui oblige à faire bouillir les bébés à la naissance, afin qu'ils soient parfaitement stérilisés.

 

Circuler, pour mieux s'ôter.

Toute notre vie, on attend une grande cause pour se lever, et on passe sa vie accroupi, à croupir.

Le lucane aime prendre l'R le soir à sa lucarne.

Ce qu’il y a de bien dans l’état de siège, c’est qu’on prend le temps de s’asseoir.

 

 

Les oiseaux sont les poissons du ciel,

nous en sommes les crabes


Heureux les déjantés, ils quitteront plus facilement la route commune!

 
L’argent n’a pas d’odeur, mais il y contribue.


Un vrai sosie, c’est invraisemblable.

   

Quand je grossis, je m’aigris ; et quand je m’aigris, je grossis.

   

Le temps, c’est de l’urgent.

   

Joindre l’utile au désagréable : se faire renverser par une ambulance.  

 

Le journal du paradis, c’est le Daily Cieux.

   

Yfaut et Yaka sont dans un bateau ; Yfaut tombe à l’eau, Yaka l’repêcher.

 

Chaque matin, s’ils ne sont pas morts, les vieux vont aux nouvelles.

 

Le poète a latitude d’explorer toutes les longitudes.

   

Etre réduit à la portion congrue, c’est fort peu. Moins, c’est incongru.

 

Peut-on dire de quelqu’un
dont la vie dépend des autres pour tout qu’il
est riche ?
La bouche est elle riche ?

Peut-on dire de quelqu’un
qui n’a rien à attendre des autres qu’il est pauvre ?
Les mains sont elles pauvres ?

 

Curieux comme mystique s’oppose à mastoc.

 

On a mis bien des ouvrages majeurs à l’index.

 

Quand le brouillard tombe, on voudrait qu’il se casse.

 

Au matin, la nuit tombe de sommeil.