Voici ce qu'a rêvé Mme VJ :
Je suis un homme. Fermé dans une pièce aux nombreuses fenêtres dans une clairière. Je vois la lisière de la forêt, je sais qu'il y a des mouvements de commandos, là-bas. Je sais que la situation est très dangereuse, la maison où je suis risque d'exploser. C'est imminent. Il faudrait défoncer les vitres, mais comment ? Impossible à coups d'épaule.
Soudain, je suis dehors, dans la forêt, et tout va bien. Plus aucun danger. Tout est calme, en paix.
Ivan Ivanovitch Chichkine
Le français, "forêt" vient du latin fora, qui signifie "dehors, en dehors" (tout est perdu, fors l'honneur). La forêt est le monde mystérieux qui s'étend au delà de nos limites familières. Le monde extérieur, qu'on n'a pas eu le temps d'explorer, de découvrir, d'intégrer. Ce monde est souvent ressenti comme menaçant, comme le disent les contes de fées, ces merveilles à lire et relire.
Séparée de la forêt par des vitres épaisses censées la protéger, la mettre à l'abri, la situation s'est inversée : le danger est maintenant de rester dans cette bulle, qui va exploser. Impossible d'employer la violence.
Soudain, elle est dehors. Aucune indication sur ce qui est advenu. Elle est passée au delà, et la forêt l'accueille, l'enveloppe, elle s'y fond.
Lorsqu'elle me l'a raconté, ce rêve, j'ai songé à ces mots de l'évangile : "Vous entendrez parler de guerre et de rumeurs de guerre, n'ayez pas peur". On n'entend que ça, de nos jours, guerres et des rumeurs de guerre.
Songé aussi à l'oeuvre de Philip Kundred Dick, et en particulier à Ubik, livre dans lequel des morts parasitent et enferment d'autres morts dans leur univers psychique. Il y a un lien entre les deux, le texte du III ème siècle et celui de 1966, c'est le mot "rumeurs".
Une guerre, même si on n'est pas à courir dans les ruines sous les bombes, on voit ce que c'est. On voit, justement, parce que tout attire notre attention sur cette horreur. Tout concourt à nous terroriser. C'est la lisière de la forêt, qui nous menace et nous affole.
Tout nous pousse à la violence, et la violence est réprimée. Double contrainte.
Dans le livre de Dick, si le pouvoir du vampire psychique est grand, il n'est pas capable de recouvrir l'univers entier, juste d'accompagner le héros dans ses déplacements, comme une bulle. Exactement ce qu'est l'ego.
C'est la raison du mot "rumeurs". Le système est capable de nous projeter un film, de nous accompagner, de nous enfermer si nous ne le perçons pas à jour, si nous y croyons. Croire au système, c'est le perpétuer.
Avoir peur, c'est le renforcer. Si les substances psycho-actives sont interdites, c'est uniquement parce qu'elles montrent d'une manière évidente que l'univers est factice, et qu'on peut sortir à tout moment d'une vision déplaisante, en s'en détachant. Ce que les tibétains et leur yoga du rêve pratiquent depuis des millénaires. On peut changer le rêve, la vision, le réel proposé en choisissant un autre rêve, ou, pourquoi pas, l'éveil.
Je n'ai pas de mode d'emploi à proposer, juste faire la synthèse entre ces textes de voyants - Dick est un grand visionnaire - et le rêve échu.
Délaissons la rumeur, pour nous focaliser sur ce que nous voulons. Ainsi le monde change, et soudain, sans qu'aucune porte n'ait été franchie consciemment, nous ne sommes - enfin - plus séparé, plus en danger, enfin dans les bras de la Mère, seul et ensemble.