- Tu me ronges, dit la falaise à la mer.
- Mais je t'aime, dit la mer.
- Moi aussi, je t'aime, quand tu n'es pas là, je me languis de toi. Pourquoi t'en vas-tu sans cesse ?
- Je m'en vais, mais je reviens toujours, tu le sais bien.
- Oui, mais c'est dur, quand on se sépare, ça me fait mal.
- Mais pourquoi as-tu mal, si lorsque je suis là, avec toi, je te ronge ?
- Parce que ce n'est que lorsque tu t'en vas que je sens cette brûlure, ce déchirement. Parce que tu m'embrasses tant, dans une si profonde paix que mon coeur se brise quand tu t'éloignes.
- Et moi, quand je me recule, c'est pour mieux te voir, ta hauteur, ta prestance, et je roule tes graviers entre mes lèvres, je te goûte, je t'absorbe, tu me nourris, je me nourris de toi, de ces bribes que je tu me donnes.
- Que tu me prends. Tu me dévores de ton amour. Ton amour me dévore.
- C'est vrai, mais tu es si belle, immense et fière. Je te regarde, et je me dis : pourquoi ne vient-elle pas ? Pourquoi dois-je toujours aller à elle, et l'emporter, grain à grain ? Pourquoi ne cèdes-tu pas ? Pourquoi n'allons-nous pas à l'aventure ?
- Pourquoi ne t'enracines-tu pas à mes côtés ?
Ainsi parlaient la mer et la falaise, dans un éternel dialogue entre le ciel distant et le vent indiscret qui me l'a rapporté.