Je suis le traducteur de rêves de la famille. Le 11 février, j'ai eu trois récits de rêves, faits la même nuit par mes trois plus jeunes filles :
1) : je suis chez moi, je regarde par la fenêtre. Dans le jardin du voisin, il y a un enfant noir. Plus tard, je regarde encore, cette fois, il est dans mon jardin. Puis, il a un couteau, avec lequel il force la fenêtre. Il est maintenant dans la pièce, avec son couteau, et m'en donne des coups. Mais je me défends, j'ai aussi un couteau, et je lui en donne aussi des coups. Alors, il retourne son arme contre lui, et s'ouvre le ventre. Je me suis réveillée en sursaut.
2) : je dois m'occuper d'un très vieux koala à visage humain. Un très vieux visage, c'est dégoûtant. Je me force, je m'en occupe, puis je n'en peux plus, tant il me dégoûte. Je le dépose dans une pièce, et je ferme la porte.
3) : on est toutes les trois devant un aquarium géant. On apprend alors la mort de maman. On pleure, on cherche à joindre Vanessa (l'aînée) mais on n'y arrive pas, elle ne répond pas.
Il me semble que ces trois rêves disent des choses à peu près semblables, avec des variantes selon la personnalité de chacune, et que - peut-être - ils peuvent nous concerner tous.
1) Elle, c'est le regard des autres qui lui fait peur. Elle se sent dévalorisée. Le jeune noir vient de la maison voisine, de l'extérieur. La fenêtre évoque le regard. Le regard noir des autres est menaçant et s'infiltre à l'intérieur, et l'agresse. Le rêve lui dit que s'en défendre, résister à cette menace dès qu'elle arrive (c'est un enfant) est fructueux : il s'ouvre le ventre, et donc cesse le combat et décharge son potentiel d'énergie.
2) Ici, le koala est déjà dans la maison. La menace n'est pas extérieure. C'est un animal venu du crétacé, en voie d'extinction. Dans le rêve il est très vieux, et offre un vieux visage d'homme. L'origine du nom koala est indistincte, mais l'anglais coal signifie charbon. Ko évoque le collectif. On a donc ici un très ancien résidu psychique, venu de vieilles strates probablement familiales, un ou des comportements ancestraux qu'on refuse de porter plus longtemps.
3) Les trois filles observent ici aussi la vie d'avant, la vie marine dont tout est issu, l'inconscient collectif, l'origine, la mer. La mère est morte. On pleure, et l'eau des larmes qui ruissellent lave celles de la naissance. Vanessa ne répond pas, elle aussi représente le passé, la grande soeur déjà loin, la référence, les racines, l'avant qui disparaît.
Trois rêves de libération qui disent qu'il est possible de changer. Le premier rêve, angoissant est en réalité un rêve nourrissant, encourageant. Ne te laisse pas faire, bouffer par ta crainte des autres, vis selon toi, tu en recueilleras le fruit. L'autre dit qu'il est légitime de se défaire des comportements anciens, des héritages et des contraintes du surmoi. Le dernier qu'un monde s'en va et que le passé n'est d'aucun secours. Mieux, si la mère, la mer disparaît, elle s'écoule de nos yeux, de l'intérieur, et nous lave.
Comme si quelque chose était à l'oeuvre, qui transparaît dans ces trois rêves, pour montrer qu'il est l'heure de se détacher du passé et de la dépendance.
Je souhaite ardemment que ce soit vraiment en cours au niveau de chacun des humains, et au delà.