Dans ces pages, je parle souvent de moi. Mes petites histoires, mes petites réflexions, mes grandes découvertes, mes sur-place, mes hésitations, mes colères.
Au point que parfois, je me demande comment vous faites, vous, de l'autre côté du miroir, pour avaler toujours et encore mes sempiternelles rengaines.
Zavez rien à faire ?
Certaines, et certains sont là depuis le début, ou presque. Renversant. Mais c'est que le courant passe, sûrement. Et nécessairement, dans les deux sens. Il n'y a pas un grand prêtre et une foule obscure. Il y a, ne serait-ce que dans l'énergie, un échange. C'est plus visible quand quelqu'un me donne une piste, une remarque, une phrase de mauvaise humeur, un encouragement, un livre ou un lien de blog. Mais c'est juste plus visible.
Un certain nombre de blogs reprennent certains de mes sujets, et je les en remercie. Je secoue mon ego tous les matins, ouf, sinon...
Ça répond à cette question que je me pose souvent : tu vas bientôt arrêter de parler de toi ?
Parce que même moi, j'ai l'impression de parler de moi.
Et là, vue la fidélité de nombre de lecteurs, et entendu l'écho sur le web, je me rends compte que c'est quand même perçu autrement, comme si en parlant de moi, petit bout de la lorgnette, je décrivais un univers plus vaste, passant du particulier au général.
C'est comme cela que ça doit être, au fond.
Certains auteurs font dans l'autobiographie, j'en suis, d'autres dans la comédie humaine, mais au fond, ceux-là parlent autant d'eux-mêmes que les premiers. Et tous ne font que tenter d'appréhender le même unique mystère.
Qu'on regarde l'univers depuis le petit bout, ou sa propre existence par sa vision du monde, c'est idem.
Quand quelqu'un dit, en parlant de n'importe quoi, personne, groupe, philosophie : ce n'est pas du tout ce que je croyais, il ne parle pas de la personne, du groupe ou de la philosophie en cause, mais de lui-même, et des évolutions de sa propre perception. Uniquement.
Quand Pierre Larousse écrivait son dictionnaire, il faisait une description non du monde, mais de la manière dont il le percevait. Certaines de ses définitions feraient bondir, et les ligues bien pensantes fulmineraient et le mèneraient devant la justice des hommes.
Comme nous tous, Larousse voyait le monde à travers le filtre de son milieu, de son temps, de sa propre réflexion.
La manière dont je perçois et dont je décris m'est propre, et ne rend pas compte de ce qu'est l'objet perçu et décrit.
Brûler ce qu'on a adoré n'est qu'un changement de point de vue. L'objet est (relativement) invariable.
C'est pourquoi je ne crois pas que ce soit ce que je décris qui vous intéresse, mais la manière dont je le fais. Et la manière dont je le fais est simple : je suis ma pente naturelle.
J'ai dit un jour que j'écrivais comme un menuisier fait des chaises, je reprends la comparaison, même si certaines chaises sont un peu tarabiscotées. Ça me tuerait de faire toujours la même chaise. Et pourtant, toutes les chaises sont faites pareillement pour s'asseoir.
Que chacun suive sa pente, plutôt que d'ériger des obstacles entre lui et Lui.
Tel est mon souhait.