Nous sommes allés dans un monastère acheter des savons, du nougat - excellent - et de l'eau de Cologne. C'est un couvent de soeurs.
La coutume veut qu'on ne dise pas : bonjour Madame, bonjour Mademoiselle, ou bjour! comme font les djeunes quand ils prennent la peine.
Aux soeurs, on dit : bonjour ma soeur.
C'est pas ma soeur, mais comme mon grand père ma grand mère ma maman mon papa dès qu'ils en voyaient l'ombre d'une disaient : bonjour ma soeur donc moi je disais pareil pour pas être emmerdé.
C'était pourtant pas leur soeur ni la mienne. Mais c'est vrai qu'ils appelaient les moines : mon frère et les curés : mon père. Une grande famille...
Curieux, se disait le petit VJ. Qui disait pareillement mon père ma mère mon frère ma soeur à de parfaits inconnus qu'il n'avait pas la moindre envie de connaître et qui pouvaient sentir le cheveu sale le tabac ou le renfermé. Mais on ne te demande pas ton avis, mon fils. Ah ça, j'étais le fils de tout le monde. Pas comme Johnny, lui, c'était le fils de personne. Bon, il est devenu beaucoup plus célèbre.
J'étais le fils de tout le monde, surtout des curés et des bonnes soeurs qui étaient mes frères et mes soeurs. Si vous n'avez pas compris, soit vous reprenez la lecture au début, soit vous m'envoyez un chèque de 7.50 € plus les frais de poste et je vous donne tous les détails ésotériques nécessaires.
Quand je réfléchis à tout ça, je ne vois pas pourquoi Johnny est devenu riche et célèbre parce qu'il était le fils de personne alors que moi VJ (à l'époque JJ) j'étais le fils à tout le monde et que je rame pour rester à flots. Mais bon.
Alors, dans ce monastère devenu centre commercial, les vendeuses ont des voiles musulmans que la morale laïque réprouve mais qui là sont admis et permettent de les reconnaître pour des membres du club et ne pas les confondre.
Quel club, direz-vous ? Ben le club des imbaisables. Non pas qu'elles soient nécessairement dépourvues d'attraits sexuels, bien que, hum, celles que j'ai vues, hum, pour ce qui est de vendre du savon ou du nougat, bon, mais...
Mais que même si - et surtout si - elles étaient fantastiquement baisables, justement, hé ben, ce serait pas possible. Non.
Parce qu'on ne baise pas ses soeurs. C'est Tabsolument Tinterdit. Par Dieu Himself, l'église, l'état, la morale, la génétique, les parents, le bon goût, la miviludes, le sens commun, la police, la justice, les braves gens qui n'aiment pas que, ni que ni que.
Et pourtant, il y en a qu'ont essayé :
Ça ne leur a pas réussi.
Moi j'ai eu trois soeurs, et l'envie de commettre ce genre de crime abominable et maudit par le vieux barbu ne m'a pas effleuré une seconde. Les cousines, je dis pas. Ça dépend des cousines. Avec une, on aurait pu étudier sérieusement la question si les parents avaient pas toujours envahi l'écran.
C'est interdit, les cousines ?
Donc, les soeurs, nécessairement bonnes, les bonnes soeurs, même si c'est du vieux jambon à moustaches racorni par la haine et l'avarice*, elles sont toujours bonnes, à quoi on ne sait pas, c'est nos soeurs pour que tout le monde sache qu'on n'a pas le droit d'envisager même une demie seconde de leur retrousser la cotte par dessus la cornette et ni vu ni connu comme l'auraient sans doute envisagé nos ancêtres les barbares si toutefois elles avaient été baisables, ce qui reste à établir.
Même Einstein n'a pas pu étudier la question. Top secret.
Celles que j'ai aperçues dans le centre commercial ne donnaient pas franchement envie de se lancer dans les études. Mais bon, c'est pas la question. Moi j'accompagnais Mme VJ qui voulait acheter du nougat et de l'eau de Cologne, et j'ai pas de goût pour les amours exotiques, exogènes ou extatiques, donc le problème ne se pose pas.
La question, maintenant élucidée était juste de savoir pourquoi des gens qui ne sont pas nos soeurs sont quand même nos soeurs.
Un de ces jours, on essaiera de comprendre pourquoi des menteurs professionnels se doivent appeler "maître", et des traficants notoires de produits chimiques "docteur".
* Il ne s'agit pas de généraliser. S'agissant d'êtres humains, on doit penser qu'en elles comme en nous il y a de tout, pur, impur, ombre, lumière. Le rôle des soeurs et des infirmières auprès des malades, des blessés dans les guerres est indiscutable (encore que soigner les blessés de guerre participe et entretient la guerre). Je gratte juste ces vilaines croûtes que sont les expressions toutes faites. Une bonne soeur n'est pas nécessairement bonne, ni ma soeur. Enfant, j'en ai connu qui ne valaient pas un pet, quand une femme obscure éclairait mon âme et me donnait confiance dans l'amour et la compassion.