Du legs spirituel de nos pères, seul véritable patrimoine, qui aurait dû guider nos pas dans l'incertitude de la haute marée qui nous ensevelit, nous n'avons gardé que la notion la plus matérielle, la plus vulnérable à l'érosion.
De nos jours, le patrimoine ne consiste plus qu'en meubles et immeubles, tous taxés à loisir par la Pieuvre, qui cependant favorise d'une façon révoltante la catégorie de voleurs qui la servent sans réserve.
Combien de pères encore présents pour insuffler à leur progéniture les valeurs essentielles, de droiture, d'honnêteté, de naïveté et de bravoure ?
Combien de mères sans famille, sans repères, combien de familles sans père ni mère, combien d'enfants perdus au large, sans secours ?
Peut-être que ce monde finissant règle les comptes. Peut-être que l'abandonné vit de l'autre côté l'abandon qu'il répandait jusque là sans souci. Et peut-être que non. Peut-être tout a-t-il un sens, et peut-être pas.
Dans Macbeth, Shakespeare écrit : « L'histoire humaine, c'est un récit raconté par un idiot plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien ».
Ce n'est pas à négliger. Le temps qui vient demande qu'on perde tout repère. La marée monte et va tout emporter.
C'est une nécessité. Le palimpseste maintenant saturé doit redevenir vierge avant qu'un nouveau récit prenne place. Nos coeurs, notre raison et notre mémoire doivent abdiquer totalement et dériver devant l'aube nouvelle, qui dissipe les ombres de la nuit.
Peut-être que je généralise ce qui ne devrait pas l'être, que ce travail ne concerne que moi, et peut-être une fraction des hommes, mais pas tous. Je l'ignore. Mais des signes m'ont été donnés de me tenir prêt à cet effacement du moi.
Les services fiscaux de chaque état saisissent maintenant en les taxant lourdement ce que les anciens considéraient comme intangible, et qui se transmettait de père en fils malgré les vicissitudes : une terre, même minuscule et une manière d'être.
Cela touche à sa fin, sous des prétextes divers, principalement égalitaires. L'égalité plait beaucoup, surtout à ceux qui n'en foutent pas une. Il est bien connu que l'égalité physique ne se fait que par la mort. Couper les têtes, comme le faisaient Procuste et la révolution française ne donne pas la vie, ne crée ni ne suscite rien. L'administration républicaine des humains n'est qu'un lit de Procuste, cherchant aveuglément à tout ramener à des cases intelligibles à l'intelligence inhumaine et machinale qui cherche à nous dominer.
Qu'importe ? "Qu'importe qu'on me tue", disait Socrate, fin connaisseur, homme le plus sage de Grèce, selon l'oracle de Delphes, "on n'aura pas mon âme".
Phrase à garder présente comme un mantra.
Il est probablement temps de faire provision de mantras, comme bâton pour traverser le flot meurtrier qui arrive.
Mais, si son coeur est pur, chacun de nous est à jamais préservé.
L'angoisse, comme son nom l'indique, n'est qu'une peur liée à l'approche d'un passage resserré, comme les hanches de la mère juste avant l'accouchement.
Je peux me tromper, mais j'ai la sensation que, vue l'attente prodigieuse des hommes et leur pureté foncière, pour la majorité, et malgré la farouche résistance des "faucons" et autres malades, le passage se fera sans trop de dommages.
Inch'Allah !