Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 09:31

J'ai eu envie de relire "la Nuit de Walpurgis", de Gustav Meyrink. Relire est un don qui nous est fait. C'est comme revenir dans une ville où nous aurions vécu vingt ans plus tôt, restée intacte, mais comme neuve, y découvrir des édifices jamais vus, des rues de traverses jamais empruntées, des perspectives inaperçues, s'y émerveiller.

 

Meyrink, je l'ai lu et relu tant de fois... entre quinze et trente ans...

 

J'y ai trouvé ces pages, ce monologue a deux voix débité dans une boîte de nuit par une sorte d'acteur minable et medium, dont la voix exprimée en italiques rappelle - précède, plutôt, puisque le texte a paru en 1917 - presqu'incroyablement certains passages des "Dialogues avec l'Ange" :

 

 

« Qui je suis ? » émit la bouche de l'acteur ; le médecin de la Cour crut entendre sa propre voix d'autrefois ; la voix d'un enfant, certes, mais en même temps la voix d'un vieillard ; on y discernait deux timbres, donnant l'étrange impression qu'il y avait deux voix qui parlaient : l'une, celle du passé, venant de très loin, l'autre, du présent, était comme l'écho d'une table de résonance amplifiant la première de manière qu’on pût l'entendre.

 

Et il y avait aussi dans ce que disaient ces deux voix un mélange d'innocence puérile et de la gravité sévère d'un homme âgé :

 

- Qui je suis ?  A-t-il jamais existé, depuis que le monde est monde, un seul homme capable de répondre à cette question ? Je suis le rossignol invisible, perché dans sa cage, et qui chante. Mais les cages n’ont pas toutes des barreaux capables de vibrer à son chant. Combien de fois n'ai-je pas commencé à chanter en toi ma chanson afin de me faire entendre de toi. Mais tu as été sourd toute ta vie. Dans l'univers entier on ne trouverait rien qui t’ait jamais été aussi proche et aussi personnel que moi, et maintenant tu me demandes qui je suis !

 

Il y a des hommes auxquels leur âme est devenue tellement étrangère qu'ils tombent foudroyés quand vient le moment pour eux de la découvrir. Ils ne la reconnaissent pas et elle leur apparaît déformée et grimaçante comme une tête de Méduse ; elle prend le visage des mauvaises actions qu'ils ont accomplies et dont ils craignent en secret qu'elles aient souillé leurs âmes. Ma chanson, tu ne peux l'entendre que si tu la chantes avec moi. Celui qui n'entend pas le chant de son âme, c'est celui-là qui est un coupable : coupable envers la vie, envers les autres, et envers lui-même. Un sourd est également muet. Est innocent celui qui entend continuellement la chanson du rossignol ; innocent, quand bien même il aurait tué père et mère.

 

- Que faut-il que j'entende et comment l'entendrai-je ? demanda le médecin de la Cour, oubliant complètement dans sa stupéfaction qu'il avait devant lui un irresponsable, peut-être même un fou. L'acteur, comme s'il n'avait pas entendu, continua de parler de ces deux voix qui s'entremêlaient et se complétaient si étrangement :

 

- Ma chanson est l'éternelle mélodie de la joie. Celui qui ne connaît pas la joie - la pureté, certitude joyeuse et gratuite - la joie gratuite du : Je suis celui qui est, qui était et qui demeure d'éternité en éternité - celui-là est un pécheur qui pèche contre le Saint Esprit.

 

Devant la splendeur de la joie qui rayonne dans le coeur comme un soleil au ciel intérieur s'évanouissent les fantômes des ténèbres qui accompagnent les hommes comme les ombres des mauvaises actions oubliées accomplies au cours d'existences antérieures et tissent les fils de leur destin. Celui qui entend et qui chante ce cantique de la joie abolit les conséquences de toute faute quelle qu'elle soit, et cesse d’ d'entasser faute sur faute.

 

Celui qui est incapable d'éprouver la joie, en lui le soleil est éteint - comment pourrait-il dès lors irradier la lumière ?

 

Même la joie impure est plus proche de la lumière qu'une triste et sombre gravité…

 

Tu me demandes qui je suis ? La joie et le Moi ne font qu'un. Celui qui ne connaît pas la joie ne connaît pas non plus son Moi.

 

Le Moi le plus profond est la source originelle de la joie ; celui qui ne l’adore pas se fait serviteur de l'enfer. N’est-il pas écrit : Je suis le seigneur ton Dieu, tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face ?

 

Celui qui n'entend pas et qui ne chante pas la chanson du rossignol n'a pas le Moi ; il n'est plus qu'un miroir éteint dans lequel vont et viennent les démons du dehors - un cadavre vivant, comme la lune au ciel avec ses feux éteints …

 

Tâche donc, tâche d'éprouver la joie !...

 

Il y en a tant qui s'y efforcent en demandant : de quoi aurais-je de la joie ? La joie n'a pas besoin de motif, elle naît d’elle-même, comme Dieu. La joie qui a besoin d'une cause, ce n'est pas de la joie, mais du plaisir.

 

Il y en a tant qui voudraient éprouver de la joie et qui ne le peuvent pas ; alors ils accusent le monde, et le destin. Ils ne pensent pas : un soleil qui a presque oublié le temps où il resplendissait, comment pourrait-il de ses premiers rayons débiles chasser déjà la troupe de fantômes d'une nuit millénaire ? Les fautes qu'on a commises envers soi-même tout au long d'une existence ne peuvent se réparer en un seul court instant !

 

Mais celui en qui est entrée une fois la joie gratuite, la joie sans cause, celui-là a désormais la vie éternelle, parce qu'il ne fait plus qu'un avec le Moi, qui ne connaît point la mort, celui-là est dans la joie sans cesse, quand bien même il serait aveugle et infirme de naissance. Mais la joie, il faut l'apprendre, il faut la désirer - seulement, ce que les hommes désirent, ce n'est pas la joie, mais… le motif de la joie.

 

C'est cela qu'ils convoitent, mais pas la joie.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

E
<br /> Je n'ai pas lu ce roman, VJ. Mais je suis allée faire la petite curieuse à son sujet sur le net.<br /> <br /> <br /> J'y ai lu, à l'occasion, une phrase que j'ai trouvée bien juste : "...elle (Polyxena) tente d'exercer sur eux l'aweysha, ce puissant pouvoir de suggestion qui serait à l'origine<br /> de toutes les guerres dans le monde..."<br /> <br /> <br /> Je pense effectivement que le pouvoir de suggestion est quelque chose de très puissant : il peut tout aussi bien entraîner à la dévastation ou à la folie, comme il peut aussi faire déplacer des<br /> montagnes dans le sens du bonheur et de la joie, selon la personne qui en use.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je m'en vais méditer sur les trois dernières lignes de votre article. Merci.<br />
Répondre
L
<br /> Merci pour ces mots en partage.<br /> <br /> <br /> <br /> Un jour ces mots se sont posés en moi :<br /> <br /> <br /> " Il y a la Joie et les joies,<br /> <br /> <br /> L'une dure et reste identique à elle même<br /> <br /> <br /> les autres passent et se transforment . "<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Depuis je tente de suivre" ce parfum particulier de la Vie<br /> <br /> <br /> et chaque écho ici et là guide mes pas.<br />
Répondre
V
<br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Le jardin de Vieux Jade
  • : Arrivages du jour, légumes secs, mauvaises herbes, quelques trucs qui arrachent la gueule. Taupes, censeurs et culs bénits s'abstenir. Si vous cherchez des certitudes, c'est pas l'endroit.
  • Contact

Décidément rétif à l'ordre bestial, j'ai fixé ma résidence ailleurs, d'où j'observe le déroulement des temps infernaux, fumier des plus belles fleurs.  J'ai un jardin secret, où les plantes poussent toutes seules. Servez-vous, si le coeur vous en dit, sans tenir compte de la chronologie, car comme le mot le dit clairement, l'heure est un leurre.

 

Une précision concernant les commentaires : n'ayant pas toujours le temps ni l'énergie de répondre aux commentaires, ceux-ci restent ouverts, sans aucune garantie que j'y réponde. Je me réserve cependant le droit de sabrer les inconvenances, dont je reste seul juge.

 

Ici, je n'est pas un autre.

Recherche

Lave

Après l’explosion

Nul ne l’a sue

Le jour d’après

Coule la lave

Brûlent les cendres

Lave la lave

Mange la louve

Larmes sans sel

De régime

Cuit et recuit 

Frottent les cendres

Récurent

 

Pas encore nu,

Pas tout à fait ?

Restent des choses

Bien accrochées

Des salissures

De vieux fantômes

D’anciennes guerres

 

Qui peut le faire, si ce n'est toi ? 

 

Nettoie

 

Les notes glissent

Comme des larmes

Gouttes de feu

Sur la paroi

 

Qui m’a volé le cœur ?

Qui m’a trempé vivant,

Comme une lame ?

Qui m’a fouetté les yeux,

M’a déchiré le ventre

Me baisant les paupières

Et m’enduisant de baume,

Me prenant par la main,

Pour me conduire

Dehors ?

Les dits de Lao Yu

LE BUT DE LA QUÊTE EST DE N'AVOIR

NI BUT, NI QUÊTE

 

***

 

QUE SAIT-IL DE LA PESANTEUR,

CELUI QUI N'EST JAMAIS TOMBÉ ?

 

***

 

C'EST SOUVENT LORSQU'ELLE S'ENFUIT QU'ON PERÇOIT L'ESSENCE DE LA BEAUTÉ

 

***

 

LA MER A DES MILLIARDS DE VAGUES QUI BATTENT TOUS LES RIVAGES. OU EST LE CENTRE DE LA MER ?

 

***

 

CE QUI EST MORT N'A AUCUN POUVOIR SUR CE QUI EST VIVANT

SEULS LES MORTS CRAIGNENT LES MORTS

 

***

 

QUAND LE NID BRÛLE, LES OISEAUX S’ENVOLENT

 

***

 

C’EST DANS LA CHUTE QUE LES AILES POUSSENT

 

***

 

CE QUI PEUT ÊTRE PERDU EST SANS VALEUR

 

***

 

LA MAISON EST PLUS GRANDE QUE LA PORTE

 

***

 

L’ERREUR EST LA VOIE

 

***

 

LA ROUTE EST DURE A CELUI QUI BOÎTE

 

***

 

LA LUMIERE DE L’ETOILE EST DANS L’ŒIL QUI LA REGARDE

 

***

 

LES PETITS NOURRISSENT LES GRANDS

 

***

 

LES RICHES ONT UNE BOUCHE
MAIS PAS DE MAINS POUR LA REMPLIR

C’EST POURQUOI IL LEUR FAUT
DE NOMBREUX SERVITEURS ;


CEUX QUI ONT DE NOMBREUX SERVITEURS
NE SAURAIENT VIVRE SEULS,

CE SONT DONC DES PAUVRES ;


CELUI QUI PEUT VIVRE SANS SERVITEURS 
EST DONC LE VERITABLE RICHE.

 

***

 

VIVRE C’EST REVENIR SUR SES PAS

 

***

 

LA NUIT LAVE LE LINGE DU SOLEIL

 

***

 

LES RUISSEAUX EMPORTENT LES MONTAGNES

 

***

 

UNE EPINE DANS LE PIED DU GENERAL : L’ARMEE S’ARRÊTE


***
 


UN PORC EN HABITS DE SOIE RESTE UN PORC,
COMME UN DIAMANT DANS LE FUMIER

RESTE UN DIAMANT.

MAIS LA PLACE D’ UN DIAMANT

EST DANS UN ECRIN DE SOIE,

ET CELLE D’UN PORC DANS LE FUMIER.

 

***

 

COMME SEULE L’EAU ETANCHE LA SOIF,
SEULE LA JUSTICE COMBLE LA FAIM DE JUSTICE

 

***

 

DU COLIBRI A L’AIGLE, IL EXISTE DE NOMBREUX OISEAUX

 

***

 

LE DEDANS REGLE LE DEHORS

 

***

 

L’EPONGE BOIT LE VIN RENVERSÉ
ET LA ROSÉE DU MATIN

 

 

***  

 

LORSQU'IL DECOUVRE LE MIEL,

L'OURS OUBLIE LA PIQÛRE DES ABEILLES

 

 

 

 

 

 

 

 

Lisez-Moi Lisez Moi Lisez Moi

Des mots des mots des mots des

Quand à un livre je me livre , ce que je lis me délie.

 

 

Je me demande pourquoi on n'a pas encore une loi qui oblige à faire bouillir les bébés à la naissance, afin qu'ils soient parfaitement stérilisés.

 

Circuler, pour mieux s'ôter.

Toute notre vie, on attend une grande cause pour se lever, et on passe sa vie accroupi, à croupir.

Le lucane aime prendre l'R le soir à sa lucarne.

Ce qu’il y a de bien dans l’état de siège, c’est qu’on prend le temps de s’asseoir.

 

 

Les oiseaux sont les poissons du ciel,

nous en sommes les crabes


Heureux les déjantés, ils quitteront plus facilement la route commune!

 
L’argent n’a pas d’odeur, mais il y contribue.


Un vrai sosie, c’est invraisemblable.

   

Quand je grossis, je m’aigris ; et quand je m’aigris, je grossis.

   

Le temps, c’est de l’urgent.

   

Joindre l’utile au désagréable : se faire renverser par une ambulance.  

 

Le journal du paradis, c’est le Daily Cieux.

   

Yfaut et Yaka sont dans un bateau ; Yfaut tombe à l’eau, Yaka l’repêcher.

 

Chaque matin, s’ils ne sont pas morts, les vieux vont aux nouvelles.

 

Le poète a latitude d’explorer toutes les longitudes.

   

Etre réduit à la portion congrue, c’est fort peu. Moins, c’est incongru.

 

Peut-on dire de quelqu’un
dont la vie dépend des autres pour tout qu’il
est riche ?
La bouche est elle riche ?

Peut-on dire de quelqu’un
qui n’a rien à attendre des autres qu’il est pauvre ?
Les mains sont elles pauvres ?

 

Curieux comme mystique s’oppose à mastoc.

 

On a mis bien des ouvrages majeurs à l’index.

 

Quand le brouillard tombe, on voudrait qu’il se casse.

 

Au matin, la nuit tombe de sommeil.