Est-ce une image du mont Meru ?
Invité par Alfarange à rejoindre la communauté « Néo-gnostique », et bien que je sois aux antipodes de toute action collective, j’ai accepté d’en faire partie.
La première question qui est arrivée, c’est bien sûr : c’est quoi, un NG ? Puis : peux-tu te définir ainsi ? Puis l’avalanche habituelle : peut-on définir quoi que ce soit, qui est en mesure de définir, etc, que je vous épargne pour vous éviter une indigestion.
En fait, la vraie question, là-dedans, est : qu’est-ce qu’un gnostique ?
Et puis sous cette écorce* : qu’appelle-t-on GNOSE ?
Il y a d’excellents et très beaux livres sur le sujet, et puis tout le corpus anti-gnostique des premiers siècles après JC, qui a servi à définir la doctrine et le dogme catholiques.
Qui est gnostique serait une autre question, ou une autre entrée dans le vif du sujet. Existe-t-il une doctrine gnostique ? Un catéchisme ? Des schismes ?
N’ayant pas vocation ni le goût à rédiger un pavé en huit tomes avec renvois en fin de volume, mais plutôt à laisser une petite pierre blanche sur le chemin, je dirai simplement que la gnose est le fruit d’un rapport intime avec l’Être plus grand que nous qui vit en nous.
Il n’y a gnose que lorsque l’homme d’ici est en lien avec Celui qui le fonde. Il y a gnose lorsque les murailles de toutes les croyances et des apparences se fissurent et que la lumière du jour apparaît, même par moments.
La gnose est ce qui naît en l’homme qui se tait et accorde sa confiance à une certaine voix qui parle en lui.
Gnôthi seautôn, ces mots étaient gravés sur le fronton du temple de Delphes, « Connais toi toi-même…et tu connaîtras l’univers et les dieux ».
En français, connaître, c’est naître avec, ce qui peut vouloir dire naître à chaque instant, être souple, fluide, danser sur la vague. Abandonner projets, attachements, croyances, peurs, regrets pour n’être plus qu’un.
Pas besoin pour cela d’accumuler des « connaissances », bien au contraire. Connaître est l’art de vivre nu.
Brûle tes livres, disait l’adage alchimique. Pas avant de les avoir lus, relus et digérés, bien sûr. Comme dans un labyrinthe, il faut avoir accompli tout un processus laborieux de dissolutions et coagulations répétées, dans l’angoisse, l’espérance, la souffrance et la joie, avant de découvrir avec surprise et émerveillement cette très simple évidence : tout est là, de tout temps. Mais rien n’est plus difficile à saisir qu’il n’y a rien à saisir.
L’aboutissement du désir est le non désir. L’accomplissement du non désir est la co-naissance. Le savoir, le comprendre, le dégager de la gangue de l’existence n’est pas encore suffisant.
Mais il n’y a aucune urgence, puisque cela est de toute éternité.
Quelques corollaires en vrac : Le gnostique n'a ni dogme ni habitudes de pensée. N'étant pas lié par les notions de résultat ou de sécurité personnelle, délivré du juge intérieur et donc du regard des autres, il peut vivre librement sous la pire contrainte ou choisir de manifester son désaccord selon l'occurrence. On peut trouver un gnostique sous toutes les latitudes et même dans les religions les plus dogmatiques, voire les gardiens de musée, de zoo, et de prison. L'habit ne fait toujours pas le moine. Un gnostique peut être plus ou moins intermittent et approximatif. Les cathares et autres réputés gnostiques ne l'étaient que s'ils ne dépendaient de personne d'autre que de leur liberté intérieure. Je ne crois pas qu'il existe de parfaits gnostiques, mais tout au plus des apprentis plus ou moins avancés.
Ai-je ou n'ai-je pas répondu à la question, aux questions initiales, telle est maintenant la question.
C'est ainsi que de question en question on parvient tout naturellement au seuil de l'existence qui nous est impartie pour entrer dans un autre monde.
* pour reprendre le beau titre de Jacques Lacarrière : « le pays sous l’écorce ».