Cette froide après-midi, une belle et grosse araignée noire s'étalait immobile sur un mur ensoleillé, devant moi. Des gens passaient, j'étais pendu à mon téléphone, songeant en coin que beaucoup feraient un détour ou l'écraseraient d'un air dégoûté. Comme tu es belle, l'araignée, pensais-je...
La nuit suivante, vers cinq heures, je m'éveillai. Au gré de mes pensées enchevêtrées, j'en vins à ce mec, ce vraiment sale mec, un des plus répugnants que je connaisse, qui, à près de soixante cinq ans passe sa misérable existence à pourrir au maximum la vie de ses congénères, et surtout de sa voisine immédiate, qui a 84 ans. Son obséquiosité huileuse, sa voix mielleuse et croassante soulignent la haine qui suinte de sa sordide carcasse. Il potasse les codes juridiques du soir au matin, pour peaufiner ses coups tordus. Il ment, s'indigne vertueusement et poignarde dans le dos tout ce qu'il peut. Une véritable ordure.
Elle appelle au secours. M.VJ, que puis-je faire ?
Oui, que faire contre tant de malignité ? Ajouter de la violence ? De la haine, du ressentiment ?
Et si c'était une projection de la noirceur qui est en toi, VJ ?
J'entrai alors en moi et l'observai de plus près. Il ressemblait à une grosse araignée. Je le saisis, je ne sais comment. Puis du bout de mes narines, comme avec un dard, je commençai à aspirer prudemment sa noirceur, longtemps, prudemment, sans qu'aucune goutte ne m'atteigne, très technique.
Puis j'ai inspiré à fond l'air de la nuit, gonflant mes poumons, avant d'expirer longuement et avec force le jet noir en une sorte de spray, jusqu'au dernier atome, jusqu'à ce plus rien ne reste à expulser.
C'est "je" qui l'a fait, bien sûr, mais c'est venu tout seul, ça c'est plutôt fait à travers moi, simple instrument.
Mme VJ s'est tournée : Qu'est-ce que tu fais ? Un exorcisme, dis-je. Pas surprise pour un sou : C'est bien ce qu'il me semblait, j'ai reconnu la respiration. Elle se rendort.
Voici deux mois que je n'en entends plus parler, de ce type là.